La semaine dernière, mardi 12 décembre, la BBMA , Belgian Management & Marketing Association, invitait François Le Hodey , l'administrateur délégué du groupe IPM (qui édite entre autres les quotidiens La Libre Belgique et La Dernière Heure) pour "tenter en quelques slides de partager notre cheminement analytique et intellectuel sur le cheminement de la convergence".
Voici quel en était le programme :
Les médias sont au coeur d'une révolution fascinante.
Quelles nouvelles innovations IPM apportera prochainement à la presse et que deviendront ses marques dans cet univers digital. Le mardi 12 décembre 2006 à 12h15 précises à l'Hilton, Boulevard de Waterloo, 38 à 1000 Bruxelles. Participation/Membres: 102,85 euro (incl.TVA)
Participation/Non-membres: 127,05 euro (incl.TVA)
Olivier de Doncker a fait un "postcast bootleg" (dixit Denis Balencourt) de la conférence. Un document audio d'un peu moins de 48 minutes, dont j'ai extrait quelques citations.
François Le Hodey commence par faire un résumé "historique" de la segmentation des médias, papier, radio, télévision, qui a évolué vers un "écran intelligent" aujourd'hui :
l'écran intelligent, pour nous, c'est la plus grosse révolution
François Le Hodey compare ensuite cette segmentation avec la segmentation des contenus dans un journal :
il y avait un gros traitement de textes; il y avait les photos, que l'on devait scanner, et qui étaient dans une database spécifique, dans des boites différentes; il y avait l'audio, avec des bandes magnétiques. Maintenant il y a une seule database centrale. Si on veut continuer à investir qualitativement dans ces contenus, on va devoir amortir ces investissements sur une base plus large en terme de médias, et on va devoir réaliser un plus grand nombre de type de contenus.
Vient ensuite une question dans l'assistance.
Certains groupes de presse sont dans ce type de réflexion actuellement, certains avec un temps de retard.
Tu as montré des exemples à l'étranger, mais le Monde a par exemple a un site exceptionnel mais n'a pas travaillé, au départ, dans un modèle de convergence, le Guardian a aussi un site exceptionnel.
En Belgique on se dirige vers le bi-média, et faire du texte pour le journal papier et pour le site.
Est-ce que tu rencontres dans ce projet bi-média des réticences en interne, et est-ce que le projet est accepté facilement sachant que au départ, les journalistes ne sont pas, que ce soit chez IPM ou dans d'autres entités de presse écrite, formés pour faire du son et de l'image?
On sent là la question typique du rédacteur en chef, qui voit déjà venir les réticences de ses équipes.
Réponse de FLH :
Il y a des exemples qui sont incroyables, comme cette excellente journaliste qui était une analphabète technologique. Par contre c'est une excellente journaliste mais elle ne comprend rien à la technique. Elle a découvert le podcasting, et c'est devenu une fantastique productrice de podcasts. Parce que dans sa matière, au fond, elle est limitée dans sa créativité. Dans un journal, on a plus d'articles à publier que d'espace pour les recevoir. Le podcast permet une nouvelle voie d'expression, quasi sans limites. Cette journaliste a donc un intérêt réel et professionnel pour l'audio.
C'est le principe du bi-média, c'est le fait d'essayer d'amener une même rédaction à travailler à la fois pour le web et pour le journal.
François Le Hodey parle ensuite du "cas" Libération :
Dans le travail que j'ai fait pour Libération j'ai été confronté à ça puisque Libé avait fait le choix d'être en bi-média, mais à la vérité c'est que cela ne fonctionne pas du tout, en tous les cas chez eux.
Aux États Unis, vous avez de très beaux exemples, le New York Times est en bi-média complet, le Washington Post a maintenu deux rédactions différentes, en partant du principe que c'est déjà très difficile de faire un bon journal, très difficile de faire un bon site web, et qu'il faut un bon patron du journal et un bon patron du site web et qu'il ne faut pas avoir un mauvais patron pour les deux. Il faut des super animateurs de produits, qui se damnent pour réussir un très bon journal tous les jours, et le journal il est fait à onze heures du soir, et ça va être l'objectif, l'obsession de l'équipe de direction du journal, de faire le meilleur journal pour onze heures du soir, avec les meilleurs articles, les meilleures photos, les meilleurs dessins.
Le web c'est très différent, c'est que dès cinq heures du matin il faut être très bon. Tout le temps, toute la journée, dès qu'il y a quelque chose qui tombe, et les journalistes de presse quotidienne considèrent que le journalisme pour le web, c'est un journalisme de seconde zone. Pour un journaliste de Libération par exemple, de devoir écrire un article pour le web, c'est vraiment une diminution de son statut épouvantable, parce que il ne va pas mettre le temps à faire son interview etc… ce sont des choses que je comprends, ce sont deux métiers assez différents.
Monsieur le Hodey se contredit un petit peu. Il fait comprendre que les journalistes vont devoir, sur la base du volontariat, être bi, voire tri-média, et productifs tout au long de la journée, c'est à dire sans seulement penser à la deadline de 22h-23h mais à l'info en continu. Mais il avoue un peu plus tard "mais ce n'est pas tout à fait le même travail". Les journalistes traditionnels, une fois formés, pourront-ils faire ce travail ou pas? Ou alors il faudra changer aussi les équipes, après les avoir réduites?
FLH conclut :
Notre vision au sein d'IPM, c'est de faire travailler les équipe web et papier ensemble.
Il faut évidemment des formations, et alors il faut un système informatique adapté à ce mode de convergence, que nous avons mis en place [Méthode de Eidos Media], l'objectif étant que n'importe quel journaliste, à partir de son poste de travail puisse travailler de l'écrit, de la photo, de la vidéo…
Ce dont parle l'administrateur délégué, c'est le système Méthode de la société Eidos Media. LE système de publication à la mode en ce moment en Europe et ailleurs. Un système onéreux, "full XML", et qui se vent tout de même très bien, et dont je reparlerai très bientôt.
Ce billet est cité dans la newsletter de l'IFRA et sur le blog de Danielle Attias.
Créateur et rédacteur en chef de L'Observatoire des Médias. Journaliste, consultant. Conseil strat. digitale. Intervenant : ESJ-CFPJ-IPJ-CELSA. Ex Libé, LePost.fr.
Le marketing du savoir s’étend à toutes les entreprises bien que certaines résistent à tort car elles ne font que retarder l’échéance. Gilles Bruno le raconte très bien sur son excellent blog à propos de Libération. Il reprend les propos de François Le Hodey, Directeur de La Libre Belgique et Administrateur du « journal qui souffre » : « le bi-média à Libération, cela ne fonctionne pas ».
Les consommateurs ne recherchent pas des entreprises à la mode comme veulent l’être Ikea et Noos mais tout simplement à l’écoute et donc modernes pour rendre la vie de leurs clients un peu plus facile et agréable.
Foin de rêve ou de grandeur, l’entreprise doit accepter redescendre de son piedéstal pour se mettre à côté de ses consommateurs et ne plus se croire au-dessus. Le phénomène est identique dans la vie politique, les consommateurs-citoyens n’acceptent plus la supériorité affichée et non prouvée des candidats comme des élus. Les entreprises et notamment de presse doivent commencer par apprendre à écouter.
Ne fut-ce pas la grande leçon que nous enseigna Axel Gantz en débarquant à Paris : il écouta.
Pour Jasmin, peut-être s’est-il lancé sans avoir assez écouté ?