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Sans internet et sans problèmes

Avec l’annonce, la semaine dernière, du sauvetage du Monde papier par lemonde.fr, internet semble s’être définitivement imposé comme un futur obligé pour les éditeurs de presse.

Pourtant, un petit groupe de publications résiste toujours aux sirènes du web. Quand ceux qui vivent aux crochets des annonceurs se ruent sur internet à la recherche du temps de cerveau disponible, d’autres rient sous leur cape, satisfaits de leur liberté vis-à-vis des fluctuations du marché publicitaire.

Des titres comme La Hulotte ou Le Canard Enchaîné se limitent à quelques pages on ne peut plus 1.0. Charlie Hebdo, quant à lui, refuse même d’ouvrir le moindre espace en ligne. Après tout, ces journaux sont bénéficiaires et les discours enflammés sur l’avènement du numérique peuvent leur paraître bien creux.

Leur aversion pour le web semble aller plus loin. Le Canard affirme que son métier est d’informer avec du papier et de l’encre. Une palme de plus dans la cyber-mare les éloignerait donc de leur cœur de métier, la papeterie.

Charlie est encore plus emblématique. Son directeur de la publication, Philippe Val, voit le web comme la Kommandantur du monde ultralibéral, un espace habité par des pervers et des boursicoteurs, comme il l’écrivait dans un édito en 2001. Il considère toujours aujourd’hui que d’y aller reviendrait à salir l’image du journal. Les blogs ? Pour les tarés et les maniaques. L’interactivité ? Le Disneyland de la pensée.

Outre que les lecteurs internautes soient vexés par ces prises de positions, la stratégie de Charlie ne tient pas la route.

En désertant le web, le journal laisse à d’autres le soin de le représenter. Un site propose déjà, chaque semaine, les unes du journal et ses caricatures.

Il passe également à côté de la rente que pourraient lui procurer ses archives. L’excuse invoquée – avec quarante auteurs, la gestion des droits depuis 1992 serait trop difficile – doit faire marrer Time et le Daily Mirror, qui mettent tout en ligne depuis 1923 et 1903, respectivement.

Charlie a malgré tout conscience des changements du lectorat. Philippe Val serait même prêt, dans le futur, à quitter le papier pour aller sur de nouveaux supports, sans doute dans le style du kiosque virtuel.

Au final, cet évitement d’internet, volontiers accompagné de mépris, n’aura rien apporté à ceux décidés à rester sur papier. Ils auront simplement pris dix ans de retard dans le développement de leurs technologies de diffusion.

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