Suite à la mise en garde de l’Interactive Advertising Bureau quant à la fiabilité des mesures de Nielsen Netratings et de Comscore Media Metrix en Septembre 2006, on comprendra que de nouvelles propositions soient faites par l’une ou l’autre agence statistique en vue d’améliorer sa réputation.
Dernière en date – et non des moindres – une réponse au développement exponentiel du Web 2.0 : Nelsen Netratings évaluera désormais la popularité des sites Internet non plus par le nombre de pages visitées mais par le temps passé par les Internautes sur le site.
Voyons donc si cette méthode répondra aux défauts de l’ancienne.
Du bon d’abord, puisqu’un site web ne verra plus l’intérêt de démultiplier son nombre de pages Vu/Lu : le temps passé par l’internaute sur le site n’en sera pas changé. Il était en effet auparavant possible de doper son audience en étalant par exemple un article sur plusieurs pages plutôt que sur une seule. Le « total minute » aura donc comme premier avantage de ne plus privilégier les sites pollués par ce biais.
Ensuite, les sites très interactifs verront à raison leur popularité décuplée : il est en effet légitime qu’un internaute passant plus de temps au contact d’une publicité soit plus valorisé qu’un autre auprès des annonceurs.
En adoptant cette nouvelle formule, Nielsen Netratings fait taire de facto ces deux précédentes critiques, mais est-il vraiment une bonne idée de proposer à nouveau un système basé sur un paramètre unique ? Le temps passé sur une page est-il vraiment un critère suffisant pour évaluer la popularité d'un site?
Un internaute regardant une vidéo d’une demi-heure peut-il être considéré comme aussi impliqué que celui qui lira plusieurs articles de fond en un quart d’heure ? Même si les sites Internet n'auront désormais plus intérêt à étaler leurs articles sur plusieurs pages, il sera tout aussi facile de biaiser le nouveau critère de classement de Nielsen par d'autres mesures. Le web ayant désormais intérêt à développer le temps passé par les internautes online, son premier réflexe sera tout à fait louable: accroissement de la qualité des contenus par de l'interactivité à travers des vidéos, téléchargements, flux RSS et tout outil intelligents du Web 2.0. On verra néanmoins très vite un effet pervers se déssiner: si les sites Internet n'auront plus interêt à multiplier leur nombre de pages vues, ceux-ci développeront des structures complexifiées avec pour seul objectif de pousser les internautes à mettre plus de temps avant de trouver l'information ou le service désiré. Certains sites de moindre attractivité seront donc mis en avant simplement en retravaillant leur structure sans pour autant améliorer leur popularité réelle.
Quel est donc le véritable intérêt de cette nouvelle mesure ? Nielsen se satisferait donc une fois de plus d’une comptabilisation statistique incapable de prendre en compte la complexité du Web ? Pourquoi ne pas considérer plusieurs paramètres et créer enfin un algorithme digne de la confiance des annonceurs ?
Toujours est-il que cet évennement entraînera très probablement de larges modifications dans le découpage publicitaire, AOL passant 1er devant google (au cinquième rang!) selon les statistiques établies par Nielsen avec ce nouveau critère. John Wanamaker (1838-1922) avait l’habitude de dire : « la moitié de l’argent dépensée en publicité est jetée à la poubelle. Le problème est qu’on ne sait laquelle ». Le « total minute » de Nielsen ne changera pas la donne.