Libé vient de lancer son édition lyonnaise, sur le net. Ca s'appelle LibéLyon, blog animé par les deux correspondants locaux du journal. Le plus parisien des quotidiens nationaux s'est apparemment aperçu que la majorité de ses consommateurs ne vivaient pas dans le Marais et s'essaie à l'hyperlocal au-delà du périph.
Libé innove par plusieurs aspects. En choisissant de faire un blog plutôt qu'un site, il crée une plateforme avec 0 coûts fixes ou presque (Libé utilise TypePad, service payant). Ensuite, le blog et ses notes sont mis en avant dans le site de la maison-mère lui-même, comme ici, par exemple. Pas de stigmates associé au format, comme sur le site du Monde, où les blogueurs sont tout juste bons à remplir une colonne de 190px*450px.
Les journaux devraient devenir des fédérations de blogs, comme l'a dit Jeff Jarvis la semaine dernière. Leur rôle se limiterait à monétiser l'audience de leurs blogueurs. Mis à flots il y a moins de deux ans, le blog de Jean Quatremer possède aujourd'hui plus de lecteurs (fidélisés et impliqués – monétisables, quoi) et d'influence que Libé dans ses rêves les plus fous. Si on se donnait la peine, rue Béranger, de trouver des annonceurs adéquats pour chaque blog, nul doute qu'ils pourraient se transformer en usines à cash.
Dans les pays développés, les blogs influents s'achètent à coups de dizaines de millions d'euros. The Huffington Post est estimé à plus de $50m et TechCrunch à $100m. Des chiffres qui montrent bien leur rentabilité et leur potentiel.
Les médias traditionnels peuvent encore faire levier avec leurs marques pour attirer le public vers leurs blogs. Mais les concurrents sont nombreux. MonPuteaux à montré il y a déjà longtemps que les consommateurs n'attendraient pas les grands noms pour lire les articles qui les intéressent.
Nicolas Kayser-Bril est étudiant en économie des médias. Il blogue sur Window on the Media et prépare actuellement une étude des médias postsoviétiques avec le projet Vostok2.0
Hyperlocal, hyperlocal, comme vous y allez… Local à la limite !
JR
Bonjour
Initiative intéressante effectivement de Libé !
Deux questions / commentaires toutefois :
1/ « Les journaux devraient devenir des fédérations de blogs, comme l’a dit Jeff Jarvis la semaine dernière. Leur rôle se limiterait à monétiser l’audience de leurs blogueurs. »
=> Position très intéressante et qui place résolument le journal dans la position « d’animateur de communautés », communauté de lecteurs mais aussi de contributeurs … En revanche, limiter le rôle du journal à la monétisation de l’audience des blogueurs pose la question de l' »éditorialisation » : à moins de considérer que monétisation et éditorialisation vont de pair, que devient le rôle de choix, de filtre, de tri / priorisation du journal dans cette vision ?
2/ « Dans les pays développés, les blogs influents s’achètent à coups de dizaines de millions d’euros. The Huffington Post est estimé à plus de $50m et TechCrunch à $100m. Des chiffres qui montrent bien leur rentabilité et leur potentiel. »
Cette conclusion n’est-elle pas un peu rapide ? Les valorisations n’ont parfois rien à voir avec le potentiel réel et encore moins avec la rentabilité des entreprises, surtout dans ce domaine. Avez-vous des chiffres précis de rentabilité sur les blogs que vous citez ?
Merci
@rosselin
Hyperlocal dans le sens où ce blog s’occupe uniquement de la ville de Lyon. Pas de Rhone-Alpes ou du Lyonnais. Y a-t-il d’autres publications avec une cible aussi étroite, géographiquement parlant?
(J’avoue que je ne connais pas la presse du coin au dela de Lyon Mag et du Progres. Par ailleurs, il faut voir comment LibéLyon évolue. Il pourrait évoluer vers un site traditionnel couvrant toute la région)
@Bertrand
1. Je parlais des journaux en tant qu’entreprises d’info. Les sites des journaux (en tant que marques) ne vont pas non plus disparaitre.
2. Sur le site de Mathew Ingram, en lien dans le post, les revenus de TechCrunch sont estimés entre $1m et $3m. Côté coûts, il faut compter le salaire d’Arrigton, blogueur en chef, quelques autres permanents mais pas beaucoup plus. Ca fait une rentabilité supérieure à 100%, soit le double d’un site performant.
Imaginons un resultat operationnel de $2m (EBITDA). Valoriser à 20 fois l’EBITDA est fréquent, ce qui donne un prix de $40m. Moins que le chiffre cité(modifié par Ingram depuis, btw), mais l’ordre de grandeur reste conséquent.
@rosselin
Il est à noter que le poste qui m’a semblé avoir le plus commentaires est celui consacré aux menus des écoles. http://www.libelyon.fr/info/2007/10/menus-cumniques.html#comments
Visiblement il y a eu des problèmes de modérations des commentaires antixxx, mais on peut classer l’information dans l’hyper local.
Cela dit on est loin de services proprement hyper local comme Loudoun Extra, du Washington Post hyperlocal (liste des écoles).
http://loudounextra.washingtonpost.com/schools/
Là les investissements sont importants (base de données, cartographie etc…).
Jean-Baptiste
En dehors des commentaires, les utilisateurs n’ont pas une grande place dans le projet de ce libélyon (on se souviens d’essai en papier autrefois).
Pourquoi 2 pigistes et non un petit réseau de blogs locaux ?
Par exemple j’en rencontré à paris carnet l’animateur d’un reseau de blogs de critiques criticoblog et le contenu qu’il recense vaux bien le contenu de bibliobs / nonfiction / obiwi et tuticanti
Jean-Baptiste
Jean Baptiste,
Effectivement Loudoun extra est plus beau, plus gros et plus hyperlocal que LibéLyon. Plus cher aussi. Et on va pas demander à un journal au bord de la cessation de paiement depuis la chute du Mur d’être à la pointe de la technologie.
Mais ce qui compte, c’est avant tout l’engagement des lecteurs.
Si LibéLyon arrive à être considéré comme LE blog à suivre sur Lyon, alors le résultat en termes de marque sera le même. Pour augmenter les pages vues, il suffira d’embaucher un ou deux journalistes/geeks dégourdis pour mettre en forme des bases de données.
D’accord le budget n’est pas le même. Mais les CMS comme Drupal sont free et comportent tous les outils dont Libération aurai eu besoin.
D’accord aussi sur les journalistes/geeks dégourdis. Par contre l’argent aurait mieux été dépensé dans des bases de données d’intérêt local (ou des partenariat sont possibles) plutôt que dans de la pige ou payer pour typepad.
Pour la matière rédactionnelle, il y a des blogueurs locaux. Pourquoi ne pas s’être associé avec eux. Le traitement « journalistique » n’est pas ce que les lecteurs attendent mais plutot un concert de voix différentes avec qui ils peuvent entrer en conversation.
Il est dommage qu’on ne comprenne pas le truc à Libé, qu’on prioritise les dépenses de cette façon. Dans l’après 68 c’était quand même le journal grassroot ! Les « luttes », les « chéries » etc…
Jean-Baptiste
PS Je viens d’entendre « masse critique » -> le figaro 15% de CA sur internet (acquisitions externes mais tout de même)
@rosselin
En fait vous aviez raison, la dimension des sites de Libé est plus régionale qu’hyperlocale. My bad!
Je viens de faire un tour sur Libé Lille (où j’ai habité un moment) et ça ressemble plus à une agrégation des articles de la correspondante qu’à un blog sur la ville.
Espérons que Libé trouve une stratégie pour ces blogs, en les rendant plus locaux et plus urbains, en apportant l’esprit Libé aux provinciaux qui ne demandent que ça!
@Rosselin & Nicolas Kayser-Bril : Touché coulé
« Libération veut créer de vrais sites régionaux d’actualité » source interview dans la lettre des « cles de la presse » d’Olivier Costemalle rédacteur en chef adjoint dans libération.fr
Une présentation de libé Lille sur le site du Club de la Presse Nord Pas de Calais reprend cette citation mot pour mot. http://www.clubdelapressenpdc.org/spip.php?article6323
On y apprend également que Toulouse, Strasbourg et Marseille et « d’autres villes de la façade Ouest » suivrons.
Sur les deux 1er sites les rubriques sont les mêmes (on annonce tout de même des variations : une rubrique « foot » sur Lyon car le correspondant est passionné / un angle plus « sans » pour Lille où le correspondant est Haydée Sabéran qui a participé à l’écriture de l’ouvrage collectif « La France invisible », paru aux éditions La Découverte)
Mais surtout la conception éditoriale est malheureusement la même. En voulant faire des fausses économies (mettre à contribution les correspondants) on se retrouve dans le modèle « journaliste->internautes ».
Que du classique qui ne va pas « révolutionner » le paysage, ou si on utilise un autre vocabulaire un comble pour Libé :) « faire un miracle »
Libé avait pourtant été fondé sur des idées bien proches de l’UGC (User Generated Content).
L’énergie potentiel de lecteurs-contributeurs est là. Pourquoi se contenter d’un 10 000 pages vues / jour à Lyon ?
Sans remise en cause de la place du journaliste dans la conversation, l’objectif de valorisation par le truchement d’Internet sera difficile à atteindre.
Jean-Baptiste
Jean-Baptiste,
Libé et quelques autres acceptent aujourd’hui les blogs. Ce qui, compte tenu de leur temps de réaction, laisse espérer qu’ils se mettront à l’UGC à l’horizon 2049, si Rotschild à les poches assez profondes pour écoper pendant tout ce temps.
Là où je trouve l’initiative de Libé vraiment intelligente, c’est que le journal crée une nouvelle marque pour un segment de son public qui ne se retrouve pas forcément dans la marque traditionnelle. Et ce, pour les quelques euros que coûte (marginalement) la licence Typepad.
Tous les provinciaux qui reprochent à Libé d’être trop parisien (ok, je parle de moi, là) pourront consommer ce qu’ils apprécient dans la marque-mère (le ton, le choix des sujets) sans en avoir les inconvénients (le parisianisme).
Sur le web, les marques médias peuvent offrir un visage différent à chacun de leurs consommateurs, pour presque rien. Il serait temps d’en finir avec le mythe de la « une » que l’on gave à tout le monde. Peut-être en 2076?