Le voilà donc, après un an de tergiversations, d’imagination de la part des designers produits, l’iPad, ce nouveau produit qui n’en est pas un puisqu’il se glisse savamment entre iPhone et MacBook air. iPad n’est pas tout à fait un netbook, déjà par son prix. Il en coutera 500$ pour en faire l’acquisition, autant dire que l’intégralité des patrons de presse et de medias vont pavoiser avec pendant 1 an sans paraitre trop out.
Florilège de réactions :
➜ New York Times — “iPad un nouveau style d’informatique entre le smartphone et l’ordinateur portable”,
➜ Owni — Apple iPad : analyse d’une déception logique”,
➜ Steve Nagata, Mobile in Japan — “iPad in Japan: First Impressions of the new addition”,
➜ J-C Féraud — “Le fol espoir de la presse vis à vis de l’iPad après 10 ans d’inertie m’agace.”
Mon post n’a pas vertu à décortiquer toutes les descriptions et fonctionnalités, mais à se concentrer sur celles qui concernent nos medias. Après l’excellente prestation du New York Times, qui a eu l’exclusivité pour préparer une application spécifique pour la tablette iPad, une course contre la montre va certainement s’engager entre les médias qui ont pris le parti de déployer leur contenus sur diverses plateformes. Car les medias attendaient beaucoup d’Apple.
L’iPad, le support que les medias attendaient. La balle est maintenant dans le camp des médias. Que peut-on espérer des médias d’information qui ont déjà pris le ‘pari’ du digital ?
À court terme
Les medias ayant déjà pensé et conçu une application iPhone ont une longueur d’avance. En quoi ?
- Ils ont déjà les ressources, les connaissances du support ‘touch’, qui permettent de maitriser et exploiter toutes les fonctionnalités ergonomiques de la tablette. Ayant fait sous-traiter, ou internaliser la production de leur application iPhone, ils connaissent déjà les outils et langages de programmation.
- lls ont déjà commercialisé des applications payantes et ont habitué leur lecteurs à payer 0,79, 3, ou 5€ pour obtenir une information sous un support dédié. Le freemium, nouvelle tendance 2010 des acteurs de la presse en ligne, peut également se déployer sur les applications iPad.
Leur avance reste relativement faible. Car un simple resizing de leur application iPhone sera loin de garantir le succès et la popularité de leur application. Même à court terme, les utilisateurs précoces, ces early adopters, seront d’aucune pitié avec le journal, chaine de télévision ou radio qui commettra tel sacrilège. Même punition pour les sites web qui diffuseront une version RSS+ de leur flux d’information.
À court terme, la presse peut imaginer offrir un copier-coller de leur édition papier, avec un paiement a la carte, des formules d’abonnement. Je n’entre pas dans le débat de savoir si ce genre de commercialisation aura pour effet de “tuer le papier”. À court terme, cela ne suffira pas non plus. Il faudra offrir toute l’interactivité sur ces PDF premium, avec au moins, comme nous l’avons vu lors de la Keynote, de vidéos ‘inline’, des liens de page à page, etc. L’intéret d’utiliser des plateformes video qui pourront afficher ces vidéos sera crucial. Idem pour les sons et les elements dits multimédias. Les infographies Flash vont valser des bureaux d’infographies. La réalité est que peu de rédactions disposent d’un système d’information capable de créer ce genre de support. Ils devront donc repasser par une compétence journalistique, de manière à doper la contextualisation des articles, pour avoir un réel intérêt pour les lecteurs.
À moyen terme
Si la promesse du freemium permet de générer suffisamment de budget de développement, les investissements de création de contenus exclusifs pourront se développer sur l’iPad, d’une manière ou d’une autre. Ce sera pour nous tous un nouveau territoire interactif à parcourir. Nouveau territoire de création pour les designers d’information, de contenus multimédias, nouveau territoire de consommation d’info.
—–>À lire sur Gabyu.com : iPad et les créatifs, qu’en pensent les designers et les développeurs?
Photos, capture prises lors des live Engadget, Gizmodo et Gdgt
[nggallery id=15]Gabriel Jorby is an Interactive art director. He is currently Art Director @ Le Point. his website : http://www.gabyu.com/
iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? l’avis de @Gabyu sur l’Observatoire des Médias http://bit.ly/ipad-et-la-presse
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RT @gillesbruno: iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? avis de @Gabyu sur l’Observatoire des Médias http://bit.ly/ipad-et-la-presse
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Belle analyse, très stimulante.
Avant de m’y replonger dans les détails et en profondeur pour essayer d’y apporter une contribution prospective – en vous citant – juste une remarque: ce ne sont ni UN SEUL produit, ni UN SEUL service qui peuvent faciliter l’adaptation de l’industrie de l’information. Cette industrie de contenus doit se reconfigurer dans ses modes de fonctionnement, dans son organisation, dans son modèle économique (dont la suppression de certains coûts structurels, dans sa manière de scruter à la fois l’innovation technologique et les audiences, donc les usages.
Le produit d’Apple et d’autres actuels ou à venir ne contiennent pas LA solution. Ils éclairent utilement une des dimensions de la problématique qui est complexe.
#OwniCrew iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? http://bit.ly/d0gVio
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@gillesbruno Reste tjrs le pb du business model à traiter: http://j.mp/9y9WH1 iPad / presse en ligne @Gabyu http://bit.ly/ipad-et-la-presse
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iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? http://bit.ly/9LiQdl
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RT @tweetmeme iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? http://tinyurl.com/yans5eg
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RT @gillesbruno iPad, dernier espoir pour la presse en ligne ? http://bit.ly/b7r6Cd
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Haïr Google et bénir l’Ipad ? Ni l’un ni l’autre !
Faire de Google le Grand Satan responsable en partie de la crise de la presse et attendre la nouvelle merveille d’Apple comme le Messie qui sauvera la même presse (et l’industrie du disque au passage), dans les deux cas, les medias se trompent.
Haïr Google, plus facile que d’apprendre à s’en servir.
Rupert Murdoch l’a promis l’année dernière : il allait retirer tous ses journaux, dont le Wall Street Journal de Google news. Et on allait voir ce qu’on allait voir, toute la presse allait suivre pour enfin ne plus se faire « pomper » son contenu par le vampire Google.
En octobre dernier, le même Murdoch annonçait, beaucoup plus discrètement cette fois, qu’il reportait sine die son projet, plus facile à crier sur les toits qu’à mettre réellement en œuvre. Surtout quand, finalement, le reste de la presse mondiale semble se faire un plaisir de le laisser essuyer les plâtres…
Si un chanceux s’échappait aujourd’hui de Corée du Nord, il pourrait penser que Google est un service public qui, par une dégénération monstrueuse et imprévisible, se serait mis à concurrencer ces grands navires du capitalisme glorieux. Logique, dans ce cas, de ne pas se laisser développer une concurrence si fourbe et déloyale à l’encontre de ses belles entreprises honnêtes et vertueuses de la presse et de la musique. Des entreprises qui, pour la musique par exemple, ont passé les 40 dernières années à nous vendre les mêmes chansons des Beatles en albums vinyles, puis en albums K7, puis en en albums CD, puis en compilation CD, puis en coffrets CD, puis en collectors, puis en éditions remasterisées, et enfin (génie du marketing) en vinyles collector… Ca c’est de l’innovation mon bon monsieur !
Alors que Google n’a rien inventé. Google n’est pas une entreprise privée qui a mis au point un outil inégalé, novateur et beaucoup plus performant que tous ses concurrents. Google n’est pas une entreprise capable, jusqu’ici, d’innover assez régulièrement pour tenir en échec un nombre toujours plus important de concurrents.
Une fois ces vérités établies, on comprend mieux pourquoi Google ne devrait avoir aucune raison d’espérer tirer profit de son innovation et de ses outils. Il est tout à fait normal que, depuis 10 ans, des centaines de millions (pour ne pas dire des milliards) de personnes et d’entreprises utilisent ces outils gratuitement. Car, étrangement, tout le monde semble oublier la révolution que Google a apportée au web et que, à ce jour, personne n’a payé pour son moteur de recherche, ses boîtes mails, ses agendas partagés ou son système de visio-conférence.
Et les arguments des « grands » patrons de presse ne tiennent pas. Google siphonne le contenu de ces médias en les agrégeant dans Google News ? Cette agrégation n’est pas automatique, il faut en faire la demande auprès de Google et remplir des formulaires pour obtenir cette indexation.
Soit nos Tycoon ne savent pas ce qui se trame dans salles obscures où sont cachés leurs développeurs web (ce qui est très possible), soit ils font preuve d’une mauvais foi flagrante (ce qui est au moins aussi possible) : ils ont utilisé Google News tant que cela les arrangeaient, et maintenant essayent de les faire taxer. L’éternel beurre et argent du beurre.
Car Google news n’est pas un handicap pour les médias traditionnels, au contraire : 44% de ses utilisateurs ne lisent que les titres des informations que l’agrégateur regroupe et ne cliquent pas sur le lien pour se rendre sur l’article d’origine. Un scandale crient nos patrons ! Une chance.
Car cela signifie que 56% de ces mêmes internautes cliquent sur ces fameux liens et surfent sur les sites propres des médias. Et comme les utilisateurs de Google news sont beaucoup, beaucoup plus nombreux que ces des médias, le solde est évident positif pour ces derniers.
Enfin, rien n’empêche un média de se retirer de Google News et de rester sur le traditionnel moteur de recherche de Google. Dans ce cas, Google ne propose aucun contenu tiré du média, uniquement un lien vers le média. Mais pour apparaître, celui-ci devra apprende à utiliser Google, et pas seulement le considérer comme un service public qui n’est là que pour le mettre en valeur.
Comme dans la course à la numérisation des livres ou pour la loi Hadopi, le réflexe de la taxe Google est celui d’une « caste » de décideurs, eux-même fort peu utilisateurs des technologies dont ils débattent, et qui a un temps de retard. Plutôt que de réfléchir à comment entraver Google, mieux vaudrait apprendre à faire à sa place ou en collaboration avec lui.
Bénir l’Ipad ? Inutile, à moins de voir ce qu’il y a derrière
Mais fort heureusement, face au Grand Satan, vient de se lever le Grand Défenseur des Médias et de la Musique : Steeve Jobs et son Ipad. La dernière fois qu’une tablette a provoqué un tel remous, il y avait 10 commandements gravés dessus !
L’objet est, comme souvent avec Apple, très séduisant, branché, et deviendra sans aucun doute un must-have des geeks et des bobos dans les prochaines années (moi le premier). Mais il n’est pas pour autant, comme parfois, révolutionnaire. Le Mac était révolutionnaire, l’Ipod, l’était, l’Iphone également. Ces objets ont radicalement changé la face du marché qu’ils ont investit. L’Ipod est devenu LA référence du baladeur Mp3, et l’Iphone est le smartphone le plus vendu au monde. Alors même qu’en les lançant, Apple faisait ses premiers pas dans ces secteurs. S’attaquer à quelques années d’intervalles à deux marchés totalement étrangers à son secteur d’activité et en devenir le leader en moins de 2 ans, voilà le vrai génie de la marque à la pomme.
Ce n’est pas le cas de l’Ipad. La tablette d’Apple n’est pas révolutionnaire. Il s’agit d’un « grand » Iphone qui sera sans doute un outil pratique et agréable mais qui présente d’étonnants défauts (pas de ports USB, pas de webcam, pas de fonction téléphone !). Ils seront sans doute corrigés dans ses versions ultérieures, mais il ne révolutionne pas son marché. Ni véritable netbook, ni vrai ordinateur, celui-ci ne sauvera pas la presse ou la musique par ses seules inovations.
Sa dimension alliée à la géniale ergonomie héritée de l’Iphone pourrait offrir de nouveaux débouchés pour la lecture de journaux ou de livres mais à la condition unique que les producteurs de contenus sachent l’utiliser.
Car le véritable coup de génie d’Apple, ce qui lui assure une rentabilité inédite dans l’histoire de l’entreprise, ce n’est pas ses objets (Ipod, Iphone ou Ipad) mais son Istore, son magasin en ligne sur lequel les dizaines de millions de possesseurs de terminaux Apple (baladeurs, téléphones ou tablettes) achètent pour des sommes très basses le contenu qu’ils utiliseront sur leurs terminaux, et sur lesquels la marque à la pomme prend une commission de 30%
L’Ipad n’est donc qu’un nouveau support pensé non pas pour révolutionner un marché (c’est pourquoi il n’en choisit pas vraiment un), mais un support dont la taille et l’ergonomie vont permettre d’intégrer à l’Istore de nouveaux produits : les livres, les bande-dessinées, les journaux.
Steeve Jobs s’attaque à de nouveaux marchés sans jamais les citer, mais en attirant l’attention sur des supports qu’il sait rendre « sexy ».
Si les journaux peuvent espérer quelque chose de l’Ipad, cela dépendra uniquement de l’offre qu’ils seront capables de développer pour s’intégrer dans les formats de l’Istore et dans les habitudes de consommation de ses acheteurs. Voilà, je pense, la véritable piste sur laquelle les médias traditionnels devraient travailler et chercher à innover.
Haïr Google n’est donc pas plus rationnel que de bénir Apple. Les deux ne sont que des outils, aux médias d’apprendre à s’en servir.
Mais nos patrons de grands médias traditionnels et de l’industrie musicale sont complètement perdus. Ils n’avaient jamais eu à s’occuper de ces basses questions techniques.
Le problème des pontes des mass-médias, c’est que bien souvent ces gens ont ont hérité d’une situation confortable de quasi-monopole.
A part la disparition (généralement par rachat) tous les 10 ou 15 ans de l’un des membres de leur club de gentlemens, ils étaient bien à l’abri.
Il se partageaient ensemble des marchés captifs avec la certitude que personne ne pouvait avoir les moyens de venir les concurrencer : qui, il y a 10 ans, avait assez de fonds pour monter une boîte de production de musique capable de rivaliser avec les majors ou un quotidien pouvant mettre le NYTimes en difficulté ? Personne !
Si quelques aventuriers tentaient leur chance, il suffisait de les abattre en lançant dans leurs jambes des faux concurrents uniquement destinés à causer leur perte, quel qu’en soit le prix (les gratuits pour la presse).
Pour les plus coriaces, il suffisait de les racheter. Mais c’était aussi rare que peu dangereux finalement. Ces gens dirigent des entreprises qu’ils n’ont pas créés, avec une seule obligation : survivre pour bien vivre. C’était la richesse ou la disparition, pas de milieu et c’est très bien comme ça.
Et voilà que de nouveaux outils permettent à ceux qui ont les idées, mais pas forçément les moyens, de venir les concurrencer… Quelle outrecuidance !