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‘La rue est à eux’ : Isabelle Regnier fait son portrait de Rue89

Ce billet est écrit par Jérémy Sahel, réalisateur et producteur de documentaires mais également heureux papa de http://www.megaconnard.com.

Le 25 octobre 2010, la ravissante Isabelle Regnier a eu la gentillesse de m’inviter à la projection de son premier film, « La rue est à eux » qui sera bientôt diffusé sur Télessonne.

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« Ces deux dernières années, en parallèle avec mon activité de journaliste et critique de cinéma, j’ai réalisé un documentaire, La Rue est à eux. Tourné avec les journalistes et les internautes du site Rue89, ce film est le prolongement d’une réflexion sur les transformations aujourd’hui à l’œuvre dans la presse et le journalisme. »

Écrire sur ce film est extrêmement casse-gueule pour moi pour plusieurs raisons :

Isabelle me follow sur Twitter et je n’aimerais pas perdre un follower de qualité,

– Télessonne est la seule chaîne a avoir diffusé mon premier film, http://enfinbref.com/?p=3

– Je travaille avec Rue89 sur mon prochain film, www.websternsocialiste.com

– Isabelle est critique de cinéma et elle a plein d’amis journalistes, donc si ma critique est mal perçue c’est très mauvais pour mon personal branling.

Et ben pourtant, je vais en parler quand même parce que quand on s’appelle Megaconnard il faut assumer, et ensuite parce que j’ai envie d’écrire sur ce film qui m’a touché.

Ce film fait plusieurs choix ambitieux : il ne s’agit pas d’un reportage, on ne va pas voir ce qui se passe ailleurs.

Il n’y a pas d’interview au sens où à aucun moment Isabelle ne fait s’asseoir un protagoniste pour lui poser des questions ; et en même temps la réalisatrice n’a pas la prétention d’aller au bout de ce choix et par moments on l’entend poser des questions quand elle estime que c’est nécessaire, ce qui démontre une certaine simplicité et modestie dans la démarche.

La longueur et les silences sont présents, les maladresses avec la caméra, la lumière et le son aussi, ce qui nous montre bien qu’il s’agit d’un documentaire où ce qui est dit compte plus que la qualité de l’image. Et finalement, le spectateur qui consomme à longueur de soirée des contenus vides avec des images choyées peut être dérangé positivement par ce côté gonzo qui le met au cœur de l’action.

À un moment dans les coulisses de BFM TV, Pierre Haski dit aux régisseurs : « Ils me suivent » en parlant de l’équipe de tournage, rappelant ainsi qu’on a beau être embedded, on est toujours présent et que ce qui se dit, se dit devant une caméra et un micro.

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Le fil conducteur choisi est celui du traitement par Sophie Verney-Caillat de la mobilisation des ouvriers des usines de Continental. On voit la journaliste prendre le sujet à-bras-le-corps, s’y investir avec un militantisme non dissimulé et rencontrer l’écueil classique des écritures web : ça ne clique pas des masses…

Les autres sujets abordés comme la plainte de France3, la viabilité économique du journal, nous montrent à quel point nous sommes dans une histoire d’Hommes et de gens qui ne militent pas seulement pour informer mais aussi pour informer autrement.

L’image de Pierre Haski avec son mégaphone « CGT » entouré de caméras nous le fait apparaître plutôt content de son « coup de pub ». Et il peut l’être ; c’est un combat où tout est permis ou presque car Rue89 ne doit pas rester un média secondaire.

Tout ces sujets sont aussi abordés par des  » super riverains » pour un peu on croirait qu’ils sont perpétuellement connéctés. On s’aperçoit que ces VIP comme Charles Mouloud ayant même son blog perso sur la rue se fait quand même fermer ses autres comptes quand il « trolle » trop. Moment de grâce aussi quand la silouhette de Charles se lève du bureau de Pierre Haski et lui dit :  » tu veux ton bureau, au fait? « . On s’aperçoit en fait que le lecteur de la presse comme Charles ou Thierry Reboud ne demande qu’à s’exprimer et a même des choses à dire. Le travail de Rue89 et modestement le mien (quand on dit modestement c’est qu’on va pas faire preuve de modestie) est aussi un travail de Maïeuticien qui doit permettre au lecteur de se connecter à la polyphonie de l’info.

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Les limites du système sont abordées par Arnaud Aubron quant il explique que les journalistes qui sont là depuis le début bossent plutôt à 120 % qu’à 100 % et qu’il y a bien un moment où ils vont craquer.J’aurais vraiment aimé que le documentaire raconte une histoire autour de ça. Quand on sait qu’Arnaud quitte Rue89 quelques mois plus tard pour les Inrocks, je me dis que c’est probablement lié, mais Isabelle m’a dit que le montage était déjà en cours quand Arnaud Aubron quittait l’équipe de Rue89.

Comme souvent avec un documentaire, on aurait envie de poser plein de questions sur le sujet du film.

Les limites du participatif, Rue89 tient-il sa promesse de « l’info à 3 voix » ? ; comment grandir tout en laissant le « riverain/lecteur » au centre, sachant qu’on attendait plus de la participation des riverains ?

Mais ce n’est pas le sujet de ce billet. Il s’agit ici de parler du film, un témoignage sur un média en perpétuelle construction.

Un média qui sera de plus en plus participatif comme nos films d’ailleurs.

Jeremy Sahel

Réalisateur et producteur de documentaires mais également heureux papa de megaconnard.com .

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