Après Les DNA, qui avait réalisé en 2009 le premier webdocumentaire PQR avec un sujet sur les maraudes pour les sans-abris, Le Berry Républicain a repris le flambeau avec «Dans la cuisine des petits jouets ». Le projet est consacré au travail d’un couple de retraités de Bourges, aujourd’hui décédés, fabriquant au milieu des années 80 des jouets en bois originaux qui ont fait l’objet d’expositions dans les musées locaux.
L’initiative a été publiée le 24 décembre « comme un cadeau de Noël », selon les mots de Maude Milekovic-Leroy, webjournaliste au berry.fr et co-réalisatrice du projet. Et il commence à faire parler de lui dans la sphère médiatique depuis qu’Erwann Gaucher, formateur/consultant web pour la PQR, a publié sur son site une interview de M. Milekovic-Leroy.
[blackbirdpie url= »http://twitter.com/egaucher/status/19758588943667200″]S’en est suivie une petite discussion sur Twitter concernant l’appellation de « webdocumentaire ».
[blackbirdpie url= »http://twitter.com/rosselin/status/19764685754605568″] [blackbirdpie url= »http://twitter.com/davduf/status/19766694884941825″]
Mettons un peu les pieds dans le plat. D’abord, non, ce projet n’est pas qu’un simple diaporama sonore. Ledit diaporama, d’ailleurs bien fourni en images et riche de contenu sonore, s’accompagne du témoignage d’anciens amis du couple, d’amoureux des jouets en bois et du directeur d’un musée. Différents points de vue exprimés sous différents formats ; son, vidéo, texte. Il y a ici une vraie réflexion sur la manière d’agencer les supports d’expression. Soulignons aussi le travail de recherche iconographique, tant pour le template du projet que pour les liens internes.
Bien sûr, tout n’est pas parfait. La fin du diaporama s’essouffle un peu, certaines photos sont peu pertinentes, la faute sans doute à un épuisement des images d’illustration. L’interactivité, élément important d’un webdocu, est ici très peu présente, à part pour choisir si on veut avoir des infos sur le couple ou plutôt sur les témoins. L’internaute ne peut même pas stopper le diaporama lui-même ! – et c’est assez vite agaçant. On aurait bien aimé aussi la présence de liens hypertexte vers des sites consacrés aux jouets en bois ou au musée du Berry. Mais ce sont là des détails qui n’occultent pas un gros travail de rich-media.
Webdocu ou pas ? Là n’est pas la question
Est-ce pour autant un pur webdocu, dans les règles de l’art ? Le problème, c’est qu’elles ne sont pas définies, ces règles. Le webdocu se cherche encore, l’heure est à l’expérimentation, pour ne pas dire au tripatouillage inventif. Chacun a sa définition du genre. Certains diront même qu’il n’apporte finalement rien de nouveau, que toutes ses caractéristiques sont nées avec le web. Finalement, ces questions sont bien secondaires. Ce qui est certain, c’est que ce genre de production, qu’elle soit appelée webdocu ou pas, est encore inconnue dans de nombreuses rédactions PQR.
Alors il ne faut pas trop pinailler. OK, ça n’égale pas « Le corps incarcéré ». Evidemment, c’est perfectible. Mais dans le paysage timoré de la presse d’information, ce genre d’initiative est à encourager vivement. Et ce constat a remporté l’adhésion de la plupart des débatteurs au cours de l’échange Twitter.
Ce qui est surtout intéressant ici, c’est le degré de collaboration entre le print et le web qu’il a entraîné. D’après l’interview de Maude Milekovic-Leroy, outre le documentaire web, deux pages complémentaires (accès payant) ont été publiées sur le sujet dans le journal du 24 décembre. Pour ce travail commun, la webjournaliste a travaillé en collaboration avec le chef de la locale et la photographe. Le projet web a lui été relu et corrigé par le SR de la locale – et quand on voit la fréquence des fautes d’orthographe dans les articles lus sur le web, cette étape est loin d’être superflue. Sans oublier la collaboration d’une consœur venue de l’univers de la radio, pour poser sa voix sur le diaporama.
Féderer web et papier sur un projet commun
C’est ce genre de travail collectif qui fera tomber la querelle interne entre les anciens et les modernes de la PQR. Pour que les journalistes papier n’aient plus peur du web, il faut aussi qu’on leur donne l’assurance qu’ils auront leur rôle dans la présence en ligne de leur média. Rôle qui n’est pas forcément de juste cliquer sur un bouton pour balancer leur article papier sur le site web du journal. Et l’initiative du Berry montre qu’il n’est pas obligatoire d’embaucher un développeur pour créer une honnête production cross-média.
Il y a véritablement une place pour le webdocu en PQR. L’actu locale regorge d’histoires passionnantes à raconter en images, vidéos, sons, animations. Comme le dit Jean-Marie Charon au cours de la discussion évoquée plus haut, la proximité doit rester le critère primordial qui guide la création d’un webdocu local.
[blackbirdpie url= »http://twitter.com/jmcharon/status/19774189401542656″] [blackbirdpie url= »http://twitter.com/jmcharon/status/19774537998532608″]Côté économique, je rejoins les réflexions d’Erwann Gaucher sur les mérites d’un support qui serait bien plus attrayant pour les annonceurs que les simples articles papier. Imaginez par exemple une pub Smoby sur le webdocu du Berry… Voilà qui peut laisser envisager de nouvelles rentrées économiques.
Reste que la marge de manoeuvre est mince. Ce genre de projet demande du temps, des moyens, une équipe de plusieurs personnes. Pas facile à défendre auprès d’un rédac’ chef un tant soit peu méfiant vis-à-vis du web. C’est pourquoi l’audience rencontrée par ces premières expérimentations est à surveiller particulièrement. Car finalement, celui pour lequel on fait tout ça, c’est avant tout le lecteur. Quelle sera son opinion sur cette nouvelle forme narrative ? Si on reparle dans tout Bourges des ravissants jouets en bois de M. et Mme Petit, le projet du Berry.fr aura rempli sa mission, et le cas pourra servir d’exemple auprès des chefs de locale frileux.
En cas d’échec, il faudra continuer l’aventure… – Rome ne s’est pas faite en un jour ! – tout en s’interrogeant sur les causes du manque d’adhésion du public au projet. Et en réservant au webdocu une place singulière. Le plus grand danger pour le webdocu, outre qu’il disparaisse, serait qu’il soit banalisé, utilisé à outrance pour des sujets qui ne valent pas une telle débauche d’énergie. Le plus précieux, dans une telle production, c’est son caractère exclusif. Comme les cadeaux de Noël, en fait.
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