Voici un article de Benoît Daragon , journaliste médias (ExCB News). Publié sur son « presse-blog« , il me permet de le reprendre ici. Bonne lecture!
Pierre Bergé, Xavier Niel et Mathieu Pigasse veulent que le groupe le Monde redevienne rentable.
Affluence record à l’association des journalistes médias (AJM). Assez compréhensible puisque, ce midi nous avons reçu Pierre Bergé, Xavier Niel et Mathieu Pigasse, les trois nouveaux actionnaires du groupe le Monde, et Louis Dreyfus, le président du directoire du groupe. A ma connaissance, les BNP (comme on les appelle) n’avaient jamais été réunis publiquement autour d’une même table pour parler de l’avenir du quotidien, des sites internet du Monde Interactif mais aussi de Télérama, de Courrier International, etc.
Les yeux rivés sur leurs iPhones – où ils vérifiaient ce que nous retranscrivions sur Twitter (voir ici) -, le quatuor a détaillé sa stratégie. En gros, ils veulent faire renouer le groupe avec les bénéfices afin de ne plus être dépendants des aides publiques ou des investissements des actionnaires du journal.
Relance éditoriale et guerre aux coûts
Pour cela, la direction entend d’abord rebâtir l’offre éditoriale des titres. La refonte du quotidien sera confiée au nouveau directeur de la rédaction qui est en train d’être recruté mais les BNP aimeraient toutefois repenser le numéro du week-end, augmenter la place de l’économie, de l’investigation et du sport dans les colonnes du Monde. Par ailleurs, Pierre Bergé a promis que Le Monde n’aurait pas de « position officielle pour la présidentielle 2012« . D’abord, parce que les trois actionnaires, tous de gauche, ne tomberaient pas forcement d’accord sur le candidat à soutenir et que cela ferait baisser la diffusion du journal. La pub va être relancée en misant sur les couplages entre les différentes entités du groupe (presse quot’, magazines et internet) afin de gagner en puissance. Dernière objectif: augmenter les recettes issues du web qui ne représentent que 5% du chiffre d’affaires total alors que lemonde.fr est un des sites d’actualité les plus visités de France.
Autre dimension de cette reprise: une large réduction des coûts. « Le titre vit comme s’il générait 700 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels alors qu’en 2010 nous étions en-deçà des 400 M€« , a déploré Louis Dreyfus. Mais le groupe ne prévoit pas pour autant de plan de départs mais préconise une gestion plus rigoureuse du quotidien. Les coûts de fonctionnement vont être réduits en regroupant toutes les équipes au sein d’un même immeuble, « plus central« . Ce déménagement devrait permettre d’abaisser le loyer de 9M€ et de faire des économies de frais généraux. Autre exemple, un château, propriété de la branche magazine, a été vendu dès l’arrivée du trio. Mais ce pragmatisme de gestion ne suffira pas. Le groupe doit régler le lourd et couteux modèle économique de son impression qui parait beaucoup plus fondamental que les mesurettes énoncées précédemment. La direction réfléchit d’ailleurs à la question de sa parution le soir et aimerait que le Monde soit distribué dans la France entière au même moment.
Etablir des synergies entre Le Monde et Télérama
Sinon, le trio souhaite renforcer les liens entre des entités qui se sont souvent disputés par le passé et insérer un « esprit de groupe« . Ainsi le futur dirigeant de Télérama, dont le recrutement est en cours, participera activement à la refonte du numéro du week-end du Monde, vendu avec le Monde Magazine. Les équipes du Monde interactif aideront Télérama à repenser son offre numérique et, partout, les salariés du web seront rapprochées de ceux du papier. LePost.fr, qui a perdu « significativement plus d’un million d’euros en 2010« , devra trouver le moyen d’être rentable ou sera vendu. Mais les BNP ont indiqué qu’ils n’avaient absolument pas l’intention de réinvestir dans d’autres titres (donc ils ne sont pas intéressés par La Tribune) afin de se concentrer sur ceux déjà présents dans le groupe et garantissent que Télérama puisse réinvestir un tiers de ses propres bénéfices pour se développer.
Sinon Pierre Bergé n’a pas pu s’empêcher de balancer sur la concurrence. « La différence entre Edouard de Rothschild (le propriétaire de Libération, ndlr) et nous est qu’il n’avait jamais lu Libé avant de l’acheter« . Une pique qui montre bien à quel point les nouveaux propriétaires du Monde ont déjà enfilé leurs costumes de patron de presse. Mon sentiment à l’issue de ce déjeuner est que les BNP maitrisent parfaitement leur dossier. Ils n’ont pas clairement pas racheté le Monde pour gagner de l’influence. Ou pas uniquement en tout cas. Même si les défis sont énormes (voire insubmersibles pour les pessimistes), ils sont activement aux manettes pour faire sortir le groupe de la zone de turbulence qu’il traverse depuis plusieurs années. A eux de montrer maintenant qu’en plus d’avoir sauvé le journal de la faillite ils sauront trouver la recette miracle pour pérenniser son activité.