Arianna Huffington était en France il y a peu. Lors de son passage à Paris elle devait rencontrer plusieurs responsables de sites de presse en ligne. Plus aucun doute, donc après la Grande Bretagne, la France devrait être à terme un axe du développement international du site qui vient de détroner sur le web, le New York Times, par la taille de son audience. S’agira-t-il du lancement d’un nouveau site sous son titre Nord-Américain? S’alliera-t-il avec des éditeurs en ligne français? Quel serait dans ce cas là le rôle de chacun des partenaires qu’il s’agisse de la fourniture d’information, de la relation au public, de services associés et bien sûr de l’investissement? Autant de questions qui restent sans réponses, si ce n’est que la dame paraît bien déterminée.
L’intérêt pour la France de la part d’un nouveau venu, issu de l’univers des pure players pourrait manifester la reconnaissance de l’originalité du contexte national où interviennent une bonne dizaine de pure players d’information généraliste, exprimant un large éventail d’approches éditoriales et commerciales. La disponibilité du public, comme des professionnels peut, de ce point de vue, apparaître plus grande vis à vis d’une offre plus ouverte que chez nombre de nos voisins européens où les médias traditionnels contrôlent l’essentiel de l’offre d’information journalistique sur le web. L’argument peut aussi se retourner. N’y a-t-il pas trop d’intervenants et une offre déjà très diversifiée, notamment de pure players participatifs de Rue89 à Agoravox, en passant par Lepost, etc.? Le contexte pourrait dès lors sembler plus complexe pour une entrée dans un pays dont les us et coutûmes institutionnelles rebutent souvent les opérateurs de médias Nord-Américains.
Cependant Huffington Post n’est plus aujourd’hui un pure player indépendant, depuis son rachat par AOL. Sa stratégie internationale peut dès lors s’interpréter différemment, s’inscrivant dans la démarche d’un FAI et de portails qui sont en partie distancés par les plus gros acteurs de l’univers Internet. HuffingtonPost.fr ferait alors partie d’un retour en force sur la marché français d’un AOL dont l’approche s’était considérablement rétrécie, notamment en matière de fourniture d’information et de services. L’entrée en discussion avec des éditeurs de presse en ligne français pourrait là aussi marquer un infléchissement, teinté de réalisme, afin de mieux s’adapter aux attentes des utilisateurs, comme aux exigences institutionnelles et juridiques. Elle pourrait aussi constituer un pas prudent dans la redéfinition des rapports entre fournisseurs de services, agrégateurs et producteurs d’information sur le web. Pour repenser le partage de la valeur? A moins que ce soit encore une tentative de plus pour profiter sans la rémunérer de l’activité des journalistes et de la frange du public le plus contributif.
Jean-Marie Charon
auteur avec Patrick Le Floch de « La presse en ligne », Repères / La Découverte