L'Observatoire des médias

Le rédactionnel contextuel au Figaro Magazine, ou comment la publicité dicte les contenus

Nous sommes en plein débat, la Revue XXI sort le 10 janvier son manifeste pour un ‘autre’ journalisme, dans lequel les auteurs appellent les journaux à couper le lien avec les annonceurs et à ne plus être ce qu’ils appellent des « media marchandises » : « la publicité, écrivent-ils, soutient les journaux comme la corde le pendu ».

Invité de France Info, Laurent Beccaria confondateur de XXI a dit ceci :

Quand vous prenez un hebdomadaire aujourd’hui, je peux vous dire qu’une bonne partie des rubriques sont dictées par ce qu’il y a à côté de la publicité, c’est ce qu’on appelle du rédactionnel contextuel. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de journalistes qui rêvent d’écrire des articles sur les montres, les voyages, ou le développement durable tout cela parce qu’il y a Suez ou Veolia qui fait sa pub.

Alors je voulais apporter une petite pierre à l’édifice. Chez mes parents, je suis tombé sur un vieux numéro du Figaro Magazine, daté du 17 mars 2012. Voici sa couverture :

Dedans, un « Focus », sur la joaillerie, intitulé « Les diamants sont le meilleur ami de l’homme – De Louis XVI à Richard Burton en passant par les maharajas, la gent masculine est à l’origine des plus belles collections joaillières » signé Pauline Castellani.

 

Alors il y a de jolies images, c’est joli, un beau bijou… sauf que lorsqu’on lit le ‘papier’, et lorsqu’on s’attarde sur les crédits photographiques, on se rend compte que cet article n’est pas autre chose que de la publi-information déguisée pour Cartier.

Pour ce papier, les journalistes sont allées interroger le « directeur de l’image, du style et du patrimoine » Cartier, mais aussi un fidèle client du joaillier, à qui Le Figaro Magazine a l’idée de demander « pourquoi avoir accepté de nous parler de joaillerie », ce à quoi le riche client anonyme répond : « parce que la directrice de la boutique Cartier au 13 rue de la Paix, à Paris, me l’a demandé ». On rêve debout.

Il n’y a donc que Cartier, lorsqu’on parle de joaillerie?

Lorsqu’on pose les yeux sur les crédits photographiques, voici ce que l’on observe :

En fait, et vous pouvez voir le détail en cliquant sur les pages de l’article ci-dessous, tous l’iconographie concerne la maison Cartier, avec soit des images fournies par le joaillier, soit des images qui représentes des pièces du joaillier.

Pour qu’il y ait un semblant « d’actu » dans le papier, on nous sert également cette jolie légende :

Voici donc les autres pages du « papier » :

Ah! j’oubliais : dans les premières pages du magazine, il y a aussi cette page de publicité… pour Cartier :