L’avenir de Libération n’est certainement pas d’être un « Flore du XXIème siècle ». Quant aux projections, plus qu’hypothétiques, sur la marque Libération, elles n’ont de sens qu’avec un média Libération fort et attractif. Or l’avenir de ce média attractif est plus que jamais dans son projet éditorial. Qu’il faille trouver de nouvelles ressources est une évidence, mais ce ne sauraient elles qui soient le cœur du projet. En même temps chacun doit être conscient que l’heure n’est pas à la nostalgie du Libé de Serge July, ni des journaux d’hier qui n’existeront plus jamais. Le chantier est donc bien celui-ci : penser sur quoi doit reposer le nouveau projet éditorial pluri-média de Libération ? Quels sont les moyens qui sont nécessaires pour le mettre en œuvre ? Quelle est la méthode pour y parvenir ? Qui seront les composantes de celui-ci ? Et c’est bien sur un tel programme que doit s’envisager une médiation. Le temps manque. Il est déjà tard et il n’est pas supportable pour le journal et ses lecteurs que s’éternise un bras de fer entre les journalistes et les propriétaires. Il faut donc d’urgence une médiation dont l’initiative peut tout à fait revenir à la ministre de la communication. Une médiation plutôt qu’une aide financière, cette dernière se révélant de toutes façons insuffisante sans un projet totalement repensé.
La ligne éditoriale, c’est à la rédaction de la définir et de la faire vivre au jour le jour. Quant aux manières de décliner celle-ci sur les différents supports c’est là que se situe précisément le tournant que doit prendre au plus vite Libération. Le temps n’est plus à s’interroger sur la manière de décliner le « bimédia » annoncé par Serge July dans les années 2000. L’urgence est à engager un mouvement dans lequel le pivot du travail rédactionnel se déplace, soit désormais sur les différents supports numériques. Le « digital one » pour reprendre l’expression anglo-saxonne. Sur la palette des différents supports numériques (ordinateur, Smartphone, tablettes) se combine : le très chaud, le fil de l’actualité, ainsi que le traitement multimédia des principaux événements et sujets, enfin le participatif, des commentaires aux réseaux sociaux en passant par les blogs, les espaces éditoriaux ouverts aux internautes (experts, acteurs, témoins, etc.). Sur l’imprimé, quotidien, périodiques de différentes natures, il s’agit de choisir les sujets qui méritent les développements les plus adaptés à ce support qu’il s’agisse de fond (analyses, dossiers, reportages, décryptages, etc.) et de forme. Un imprimé à réinventer en fait. Un imprimé auquel est attaché une partie du public de Libération et continuera par un tout temps à fournir le principal des ressources.
C’est peu dire que les implications en terme d’organisation, de fonctionnement, de nouveaux profils de journalistes et non journalistes (développeurs, designer, statisticiens, etc.) sont lourds. Ils appellent un effort important de formation, d’accueil de nouveaux collaborateurs. Ils exigent d’intégrer la notion d’innovation en continu et d’expérimentation. Dans ce défi de créations journalistes, développeurs, designer, statisticiens doivent apprendre à coopérer, définir de nouvelles formes de conception et de production totalement inédites. Ce que font déjà des journaux comme le Guardian, le New York Times, etc. mais il n’y a pas de modèle, à proprement parler. Seulement des hypothèses, des pistes à observer, analyser, sur lesquelles s’inspirer. Tout le monde cherche. Il faut essayer beaucoup de choses, prendre le risque d’en rater un certain nombre pour identifier les solutions porteuses. Ce que font et ont l’habitude de faire les nouveaux concurrents de la presse, ces « infomédiaires » issus de l’informatique et des télécommunications, comme le rappelait Laurent Gille en conclusion de la dernière Conférence Nationale des Métiers du Journalisme.
Il ne faut pas mentir si le pari est formidable, passionnant, il exige aussi beaucoup d’efforts, sans doute une certaine dose de souffrances et des moyens. Ce projet ne pourra se faire avec les seuls moyens actuels, ni avec le seul actionnariat actuel, qui dit ne plus vouloir réinvestir dans le titre. D’où la nécessité d’une médiation pour faire germer, construire, mettre en forme le projet, identifier les besoins, attirer de nouveaux investisseurs, convaincus par l’intérêt d’un tel défi. Pas d’investisseurs, donc de moyens sans un véritable projet en phase avec la presse du XXIème siècle. Pas de projet viable sans de véritables investisseurs, compétents, entreprenants et professionnels du secteur des moyens de communication contemporains.
Bien sûr il faudra assurer la transition, identifier des ressources complémentaires, certainement obtenir de l’Etat un soutien exceptionnel. Mais rien de cela ne servirait à rien sans le projet éditorial radicalement rénové, appuyé sur l’adhésion de la rédaction, des autres catégories de personnels, des investisseurs. Tel est le mandat de la médiation dont Libération a un besoin immédiat et que l’Etat peut et doit susciter d’urgence.
Gilles BRUNO @gillesbruno et Jean-Marie CHARON @jmcharon
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Une médiation pour que « #Libération » ait un avenir ! http://t.co/4TOzGBVQ7I par @gillesbruno et @jmcharon
— Gilles BRUNO (@gillesbruno) February 15, 2014