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«Informer sans discriminer» : Les mots ont un sens

Le 23 juin, à quelques jours de la Marche des Fiertés parisienne, l’AJL, l’association des journalistes lesbiennes, gays, bi-e-s et trans (LGBT), a présenté «Informer sans discriminer», un kit de conseils destiné aux journalistes et aux professionnel-le-s des médias pour les aider à traiter les sujets LGBT. Il est disponible en ligne, à consulter et à télécharger.

L’idée derrière ce kit, c’est que nous écrivons toutes et tous des papiers sans être directement concerné-e et/ou spécialiste. Et que, parfois, nous n’avons pas les bons mots pour parler des sujets avec lesquels nous ne sommes pas familier-e-s. Au bout du compte, l’information s’en trouve dégradée, parce qu’elle manque d’exactitude et parce qu’elle est offensante pour certaines personnes. L’idée de base, c’était donc d’aider à fournir une information de qualité, et qui respecte les personnes dont elle parle et à qui elle s’adresse.

Si les premières réactions ont été majoritairement positives, certains tweets de consoeurs et confrères ont été très violents, nous démontrant au passage l’ampleur de la tâche :

Et après l’hostilité manifeste, un exemple frappant de l’automatisme avec lequel les médias traitent les sujets LGBT s’est présenté le lendemain de la publication du kit:

L’AFP, présente à la conférence de presse, a fait une dépêche plutôt pertinente. Mais l’illustration de l’article, telle que reprise sur le site de TV5MONDE et de l’Expansion, montre une Soeur de la perpétuelle indulgence lors d’une Marche des fiertés. Redisons-le ici, les Soeurs sont formidables et font un travail extra de lutte contre le sida et auprès des personnes vivant avec le VIH. Ce n’est pas la question qui nous occupe ici. Il ne s’agit pas d’un problème de « mauvaise image » de l’homosexualité, une Soeur est une représentation comme une autre de la communauté. Le problème, c’est quand ça en devient la seule. Le problème, c’est quand ça n’a rien à voir avec le sujet et que c’est un réflexe de facilité pour le traitement iconographique. Un texte contient les mots « homo », « lesbienne », « LGBT » ou « trans », et automatiquement, on met une photo de la Marche des Fiertés, si possible « colorée ».

Il existe d’autres représentations. Sortons-les du placard elles-aussi. C’est pas évident? Bah oui. Ca demande un peu de boulot? Effectivement. Mais la facilité, ce n’est pas notre métier.

(La journaliste de l’AFP, contactée, a depuis demandé à ce qu’on modifie l’icono de la dépêche.)

L’un des objets de l’association, c’est de permettre à nos confrères et consoeurs de se rendre compte que tout au long de la chaine journalistique, comme dans le reste de la société, il y a des gays, des lesbiennes, des bi-e-s, des trans qui produisent et consomment de l’info. Nous aussi écrivons l’information et nous aussi la recevons. Nous voulons rappeler aux médias que leurs publics ne sont pas exclusivement composés d’hétérosexuel-le-s et que cette diversité doit être prise en compte. Que derrière les sujets, il y a des personnes humaines.

Durant les « débats » pour l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le traitement de l’information a blessé énormément de personnes. Tout s’est passé comme si les propos à caractère homophobe n’étaient qu’une simple opinion et non un délit, et trop souvent, la tribune laissée aux opposant-e-s et à leurs propos haineux a trouvé sa justification dans le fait de garantir un «traitement équilibré» du sujet.

Beaucoup de journalistes sont en demande d’outils pour mieux faire leur boulot, et c’est exactement ce que souhaite proposer l’AJL. Ce n’est pas un guide d' »éléments de langage », ou une tentative de censure. Nous voulons simplement ouvrir la discussion.

Essayons simplement de nous rendre compte que nous parlons toutes et tous d’un endroit subjectif, impliquant notre vécu, nos expériences, notre identité. Notre position minoritaire ne fait pas de nous des « agents doubles » au service d’un « lobby », nous sommes pleinement journalistes, tout comme l’hétérosexualité n’est pas l’objectivité par essence. L’expertise communautaire n’est pas un lobby ni de la publicité pour une entreprise. Nous savons de quoi nous parlons. IL n’y pas de honte à aller voir les personnes informées pour produire une information de meilleure qualité. C’est ce que nous essayons toutes et tous de faire dans notre métier chaque jour.

Charles Roncier
co-président de l’AJl et rédacteur en chef adjoint de Vih.org

Le kit :

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