Avec pour thème la responsabilité des journalistes, la 8ème édition des Assises du journalisme interrogeait ce samedi 18 octobre la place des femmes dans les médias. Constat : il y a encore du boulot pour prétendre à la parité et dépasser les stéréotypes affiliés au genre !
« La France est en retard. » Le constat de Thierry Thuillier, directeur des programmes de France 2, seul homme du débat sur la place des femmes dans les médias à l’initiative du collectif des femmes journalistes « Prenons la Une » dans le cadre de la 8ème édition des Assises du journalisme à Metz, samedi 18 octobre, sonne comme un aveu. Mais on peut aussi y voir une prise de conscience révélatrice de la petite révolution en cours dans les salles des rédactions et au sein des médias français plus généralement. Un marqueur des évolutions en cours.
Vers les 51% ?
Avec un taux moyen de représentation qui gravite autour de 20% à la télévision et à la radio, la France se situe dans la morne moyenne européenne en ce qui concerne la place faite aux femmes sur les plateaux ou dans les sujets réalisés (chiffres présentés par Dominique Fackler, responsable des données INA’Stat). « Soit deux femmes intervenantes pour huit hommes » rappelle, à juste titre, Ségolène Hanotaux, journaliste-réalisatrice co-porte-parole de « Prenons la Une ».
France 3 pointe par exemple à un taux de 23%, contrairement à M6, bonne dernière des principales chaines françaises en matière de féminisation. Pour la radio, France Inter domine ses concurrentes, dont RTL où la représentativité des femmes a reculé, détaille Dominique Fackler, et les matinales sont toutes occupées par des hommes – ce qui leur vaut d’être qualifiées de « matimâles » par Marlène Coulomb-Gully, chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse-II. Et ne parlons pas de la presse écrite… Dernier chiffre qui lui n’a pas bougé : sur les chaines d’info, seulement 18% des invités en 2013 et 2014 sont des femmes. Souvent les mêmes : Marine Le Pen, Nathalie Kosciusko-Morizet, Najat Vallaud-Belkacem, Marisol Touraine ou encore Anne Hidalgo, etc.
Pourtant, malgré les lenteurs, le plafond de verre et les encore trop nombreuses résistances, la féminisation de la profession de journaliste est bien en cours. « Des progrès » ont été réalisés à la télévision, en particulier à France Télévision « qui part de très loin » souligne Thierry Thuillier, et la marche vers les 51 % de femmes dans les médias est belle et bien lancée – le clin d’œil dans le nom de l’émission The 51% Project sur France 24, animée par la journaliste australienne Annette Young n’est d’ailleurs pas anodin. En 2013, 46% des détenteurs de la carte de presse ont été des détentrices (16959 pour un total de 36823 cartes de presse attribuées), alors qu’elles étaient un peu plus de 15000 en 2003, soit 41,6 % des effectifs. Des évolutions qu’on ne doit pas prendre à la légère.
Une responsabilité des médias à rompre avec les stéréotypes
Pour autant, la question de la place des femmes dans les médias ne peut pas se résumer à l’énumération de statistiques sur la féminisation de la profession, des plateaux TV ou des sujets. Au-delà, c’est bien la représentation médiatique des femmes même qu’il faut poser. Les chantiers, bien qu’ouverts, sont immenses : un combat permanent contre les stéréotypes, les clichés et l’assignation genrée des rôles sociaux.
Pour Marlène Coulomb-Gully, auteure de Présidente: le grand défi (2012) ou de Médias: la fabrique du genre (Sciences de la société, n°82, 2012), « il existe une dissymétrie permanente dans le traitement des hommes et des femmes politiques ». A l’inverse de leurs homologues masculins, selon la professeure, les femmes politiques sont forcément – et toujours – questionnées sur leur apparence physique: la robe à fleurs de Cécile Duflot, le changement de coiffure de NKM, etc. « On interroge toujours les femmes en tant qu’épouses et en tant que mères » poursuit-elle. De même, si une femme politique a du caractère, elle est « incontrôlable », si elle est ferme dans ses décisions, elle est « austère » ou « autoritaire ». Bref, la femme est typifiée, renvoyée à des stéréotypes dont on ne peut la défaire.
Et Marlène Coulomb-Gully d’asséner: « Les médias sont une force structurante dans la représentation des hommes et des femmes : il y a donc une responsabilité des médias à rompre avec les stéréotypes ». Une responsabilité que Ruth Elkrief, journaliste, présentatrice de la tranche 19-20h de BFM TV et signataire du manifeste du collectif « Prenons la Une » élargit à l’ensemble de la société. « Les femmes politiques n’osent pas venir parler à la télévision quand elles n’ont rien à dire – contrairement aux hommes politiques », explique l’ancienne journaliste de TF1 et de LCI, qui pose la question de l’éducation des filles. « La question est celle de la stratégie de pouvoir des femmes dès qu’elles commencent à travailler, analyse Ruth Elkrief. Il faut élever les filles d’aujourd’hui dans l’idée qu’elles sont légitimes à exercer le pouvoir : la clé est dans la détermination des femmes à se voir dans des rôles de pouvoir ».
Quotas, discrimination positive ou négociations salariales: des remèdes en débat
Alors quelles solutions pour faire changer les mentalités et contrer l’inertie sociale? Au sujet de la discrimination positive, les avis des intervenants sont tranchés et révèlent les blocages à l’œuvre dans les médias. « Je ne fais pas de discrimination positive, même si je suis très engagée pour l’égalité homme-femme » confie d’abord Ruth Elkrief qui parie plutôt sur des formes d’empowerment, de prise de pouvoir des femmes par elles-mêmes.
A France Télévision, Thierry Thuilier, réticent à l’idée de se voir imposer d’hypothétiques quotas par le législateur, se réjouit des nominations récentes des ses consœurs Agnès Vahramian, directrice adjointe de la rédaction de France 2, ainsi qu’Agnès Molinier, directrice adjointe de la rédaction de France 3 depuis avril 2014. « Ça n’a pas été simple de nommer des femmes à des postes de responsabilité. Il a fallu plus de persuasion qu’avec les hommes » déplore tout de même le directeur des programmes. Quid d’une femme présidente de France TV au printemps prochain? taquine alors Ségolène Hanoteaux en pointant du doigt le plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder aux véritables postes de décision. La question est, semble-t-il, posée.
Pourtant, à l’étranger, des solutions existent – et elles semblent avoir séduit Thierry Thuilier. Au Royaume-Uni, la BBC a lancé depuis 2004 sa BBC Academy, une formation qui propose, entre autres, du media training pour former des journalistes et des expertes à la prise de parole dans les médias afin d’atteindre un idéal de parité. Si les déterminismes sont tenaces (récemment sur 17 candidatures pour quatre postes de direction au sein de la BBC, une seule était portée par une femme), explique Donna Taberer, directrice de l’école, 364 femmes ont été formées depuis les débuts de la BBC Academy et 74 s’expriment aujourd’hui dans les médias audiovisuels britanniques. « Je ne crois pas aux quotas. Il faut changer la tête des gens » nuance-t-elle.
Pour Marlène Coulomb-Gully, un cadre législatif un peu plus contraignant incite tout de même à améliorer les pratiques managériales et professionnelles. « Personne ne remettrait en cause la loi sur la parité aujourd’hui ! » s’exclame-t-elle. D’autant que d’autres combats sont à mener, pour paraphraser Ruth Elkrief interrogée sur les inégalités salariales. Un chiffre : dans les rédactions, l’écart moyen de salaire entre rédacteurs en chef hommes et femmes serait, en 2014, de l’ordre de 550€ (229 € pour les reporters). Une inégalité renforcée par la précarisation des contrats: désormais, CDD et contrats de pige remplacent peu à peu les CDI pour les femmes journalistes. « N’attendez pas d’être reconnues, battez vous pour vos salaires ! s’insurge Marlene Coulomb-Gully. Il faut négocier vos salaires ! » Et l’universitaire de conclure : « rien n’est jamais acquis, il faut rester vigilant ».
billet publié sur Le blog de Florian Bardou
Salut, étant chef d entreprise, je ne vois pas la différence entre les femmes et les hommes. Pour le recrutement, il n y a aucunes différences. Il y a juste deux personnes avec des qualités différentes. Je connais beaucoup d’homme qui gagnent beaucoup moins que moi donc cette différence, je ne la ressent pas et je n y suis pas soumise!
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