Les kiosquiers (les marchands de presse, pour être précis) interpellent à nouveau le Président de la République. L’Observatoire des Médias publient leur communiqué et s’est permis de mettre en valeur en gras certains passages du communiqué et de la lettre.
Nous interpellons une seconde fois en trois mois le Président de la République sur la multiplication des fermetures de points de vente de la presse car, malgré son engagement du 6 juillet de faire intervenir le ministère de la Culture, en réponse à notre premier appel à l’aide, celui-ci n’a donné aucun signe de prise en compte du problème.
Le temps passe et l’inaction de l’État cause la fermeture de plus de 1000 magasins ou kiosques par an. La grande distribution se réjouit de ce manque de prise de conscience des services de l’État et voit venir à elle le marché de la distribution de la presse. Elle en détient déjà 25% et bientôt 30%. À ce niveau elle pourra exprimer ses exigences et faire disparaître de ses rayons toutes les revues éditées par les petits et moyens éditeurs, trop peu rentables pour elle. C’en sera fini de la pluralité d’opinion que garantit le réseau des marchands indépendants. Les grands distributeurs pourront, comme ils l’ont déjà fait, donner l’ordre à leurs directeurs de magasins de retirer une revue contenant un article qui nuit à leur image.
Convaincu que le problème n’est que la conséquence logique du développement du numérique, le ministère préfère finir de négocier les accords pluriannuels État/Presse/Poste (accords Schwartz) qui se terminent fin 2015 que de traiter le problème structurel de notre filière.
Car il s’agit bien d’un défaut de structure et non comme le clament à longueur de temps les médias, pour préserver l’obtention des aides de l’État, d’un phénomène conjoncturel. Ce n’est pas tant la baisse des ventes qui affecte les magasins que la concurrence qui leur est faite par les éditeurs eux-mêmes qui, depuis 2005 ont décidé de favoriser les offres tarifaires des abonnements. C’est aussi une volonté affirmée, derrière un discours de façade contraire, de ne pas rémunérer correctement les marchands pour le travail fourni. Tout juste ont-ils concédé, sous la pression du précédent ministère, une hausse de 1.7% étalée sur trois ans, pour certains marchands seulement et en échange de nouvelles contraintes.
Le problème est bien structurel. C’est la conséquence de l’obsolescence de la Loi Bichet qui depuis 1947 régit la distribution de la presse sans avoir été modifiée pour prendre en compte le développement du numérique.
Depuis trop longtemps les marchands de presse ont été manipulés et pressurés. Il est temps de leur redonner non seulement un moyen de survivre mais également la possibilité de construire leur avenir. Après tout, ce sont des créateurs d’emplois non délocalisables, qui par un travail de grande amplitude horaire assurent des services irremplaçables : l’accès de proximité à la culture, a garanti de la pluralité et l’animation des centres-villes.
C’est pour cela que nous demandons une nouvelle fois au Président de la République d’agir, et d’agir vite. Il est de sa responsabilité de garantir les valeurs fondant la République. La pluralité en est une et non des moindres. La sauvegarde des marchands de presse est nécessaire pour cela au moins. L’équité est un élément supplémentaire, si besoin était, pour justifier cette intervention.
Monsieur le Président de la République,
La disparition en cours des magasins de Presse est aujourd’hui connue de tous. Le cas personnel de Sophie David en est emblématique. Plus de mille points de vente de presse ferment désormais chaque année et la situation s’aggrave de jour en jour.
A ce rythme il n’en restera bientôt plus et la presse deviendra un produit purement commercial distribué par les grandes surfaces, au détriment de la pluralité d’opinion fondatrice de la République. La présence de distributeurs de presse fait partie de la qualité de vie à la française, et des éléments d’une bonne information du public.
Les causes sont connues de vos services :
- La structure décisionnaire (Conseil Supérieur des Messageries de Presse, CSMP) est entre les mains des seuls éditeurs au lieu d’être équitablement partagée avec les marchands, et sous contrôle de l’Etat.
- Le contrat obsolète qui nous lie n’est pas, selon le Ministère de la Justice, conforme au Droit quoique validé par le CSMP et place les magasins en situation de soumission
- La rémunération consentie par les éditeurs est notoirement insuffisante pour le travail imposé mais les marchands doivent l’accepter et disparaître ou la refuser et changer d’activité. Une plus juste redistribution de la valeur est nécessaire.
- Les éditeurs favorisent la vente par abonnement, sans partage des ressources publicitaires, convertissant ainsi les magasins en show-rooms très mal commissionnés sur le peu de ventes momentanément conservées.
- La messagerie Presstalis est historiquement mal gérée : son coût d’intervention représente 14% des frais de distribution alors que dans les autres secteurs d’activité ce taux est de 6 à 9%. De plus elle pousse, dans son propre intérêt, à la fermeture des points de vente traditionnels, préférant développer les rayons de la grande distribution. Exonérée de l’application de normes de qualité (ISO 9000), les coûts induits par ses dysfonctionnements sont extrêmement importants et lourds de conséquence pour le réseau de vente au quotidien.
La source de nos difficultés réside donc moins dans la conjoncture que dans l’organisation de la filière et l’imposition du respect des Lois dont vous êtes le garant.
Le ministère en charge du dossier n’a pas donné suite à votre engagement écrit du 6 juillet de nous tenir informés. Les conséquences du manque d’action de vos services depuis un an sur ces sujets se mesurent au quotidien dans les communes. Au-delà des marchands de presse touchés directement, ce sont les citoyens et les fondements de la République qui sont en danger.
Une prise de conscience autre que celle exprimée par la ministre au Petit Journal de Canal Plus est nécessaire, tant sur l’urgence de l’intervention que sur le rôle de l’Etat dans la relation que les éditeurs entretiennent avec tous les acteurs de leur filière.Nous vous demandons une nouvelle fois d’intervenir directement pour que les sujets évoqués plus hauts soient traités avant la fin de l’année, sans attendre la fin de la négociation sur les accords Schwartz régissant les accords tarifaires pluriannuels entre l’Etat, la Presse et la Poste.
Des milliers de magasins sont sur le point de fermer. L’urgence est là Monsieur le Président.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération
Michel Marini
Président de l’AADP
Association pour l’avenir des diffuseurs de Presse
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