La sortie du nouveau décret sur « Pluralisme et création de nouveaux médias » annoncé par la ministre de la culture Audrey Azoulay, samedi dernier, fait suite au rapport « Presse et numérique : l’invention d’un nouvel écosystème » commandé par Fleur Pellerin, ainsi qu’aux conclusions du groupe de travail animé par Jérôme Bouvier qui devait préciser les conditions d’aides à l’incubation.
En premier lieu se trouve confirmée une rupture dans le système des aides à la presse qui bien que très substantiel, ne prévoyait rien pour accompagner la création de médias. Ce sera une formule de bourse, forcément limitée en volume, mais qui a vocation à jouer un rôle de levier pour les créateurs dans la constitution de leur tour de table de financeurs.
Il faut noter que dans la logique d’articulation entre l’imprimé et le numérique, les nouvelles aides, ainsi que les apports du Fonds stratégiques rénové, ne font plus de distinction entre imprimé ou numérique.
Outre les bourses à la création le « Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse » – Il s’appelle comme ça – comprend également un dispositif d’aides aux incubateurs de médias, sachant que l’option retenue ne privilégie pas des incubateurs qui ne concerneraient que les médias. Au contraire la rencontre de start-up d’autres domaines doit est un facteur de fructification de l’innovation pour les éditeurs numériques.
Sachant que des sujets méritent une recherche, largement nourrie par l’international, un programme spécifique sera financé par le ministère de la culture sur des sujets médias numériques, qu’il s’agisse d’éditorial, de technique, de commercialisation ou d’analyse des usages du public.
De mon point de vue de Fonds, même s’il risque d’être modeste dans un premier temps constitue un véritable basculement dans la logique d’aide, qui se veut levier de création et de développement de l’éditorial et non plus conservation de l’existant. Il pointe du doigt que désormais l’urgence, la priorité est à la création de nouveaux éditeurs, ainsi qu’à la transformation-réinvention des anciens.
Les deux autres dispositions du décret accompagnent cette dynamique : La première fait évoluer la logique du Fonds stratégique qui désormais élargit les aides aux innovations à un périmètre plus large de titres de presse (imprimé et numérique) incluant désormais les titres de presse en ligne de la « connaissance et du savoir ». De même que pour la presse d’information politique et générale sont supprimées les limitations liées à la périodicité. Dans mon rapport, j’insistais sur la notion d’écosystème de la presse qui n’était pas cohérent avec le cloisonnement entre familles de presse. Dès lors qu’il s’agit d’innovation, d’expérimentation, les retombées des réussites bénéficieront à tous. Le ministère ne va pas si loin, mais l’élargissement du périmètre va dans le bon sens.
La deuxième disposition concerne local, où la presse pourra bénéficier du Fonds stratégique, comme du nouveau Fonds de soutien à l’émergence, quelle que soit la périodicité des publications. En revanche on reste là dans le périmètre de l’IPG, ce qui est dommage lorsque l’on observe les expériences de construction d’entreprises éditrices qui pour trouver un modèle économique doivent associer d’autres domaines d’information ou de services au-delà de la seule IPG.
Le nouveau décret marque donc une évolution notoire dans la logique des aides. Il reste à ce que les acteurs s’en emparent et ne l’étouffent pas sous un lobbying en faveur du seul conservatoire. Il faut aussi que le Parlement, à l’automne, pousse l’Etat à des dotations significatives, alors que l’heure est aux économies tous azimuts. Il est évident que ce n’est pas l’Etat qui va porter la création, l’expérimentation, l’innovation, mais il lui revient bien d’accompagner celle-ci et de favoriser l’apport des capitaux dont ont besoin les éditeurs.
Jean-Marie Charon
Sur quels critères ces aides seront-elles distribuées ? Le mot « presse » me semble porter à confusion : de quoi s’agit-il sur un support dématérialisé ?