Alors que les interrogations se multiplient autour des infox et du rôle joué par les réseaux sociaux, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) publie les résultats d’une étude qui visait à mieux comprendre le rapport qu’entretiennent les jeunes avec l’actualité, les médias et l’information ainsi que sur la manière dont l’institution scolaire accompagne l’éducation aux médias.
L’étude, réalisée 16 000 élèves de 3e et de terminale, met en relief un fort intérêt des jeunes pour l’actualité en France, qui augmente entre la 3e et la terminale.
La note d’analyse du CNESCO pointe, cependant, des différenciations sociales « tant dans l’accès à l’information que dans les sources d’information utilisées et dans la confiance que leur accordent les élèves. Ainsi, les élèves socialement défavorisés ont tendance à beaucoup moins s’informer et à faire moins confiance aux médias « traditionnels » et plus confiance aux réseaux sociaux que les élèves favorisés ».
Si l’étude atteste d’une forme de perspicacité des collégiens et plus encore des lycéens face à l’usage des médias, l’institution scolaire ne paraît pas, pour autant, observent les auteurs de la note d’analyse « pleinement accompagner les jeunes dans un univers informationnel en mutation marqué par des débats forts autour des réseaux sociaux et des infox qui s’y propagent. Ainsi, l’éducation aux médias, en tant qu’objet d’étude, n’est abordée que dans la moitié des collèges et lycées. Celle-ci semble se résumer, le plus souvent, à une éducation par les médias (en utilisant des supports d’information de type article de journal ou documentaire télévisé), même si, à l’école, les élèves considèrent largement que les cours d’enseignement moral et civique (EMC) leur permettent de mieux comprendre l’actualité ».
Entourage et réseaux sociaux : le « bouche-à-oreille » avant tout
L’étude, réalisée 16 000 élèves de 3e et de terminale, met en relief un fort intérêt des jeunes pour l’actualité en France, qui augmente entre la 3e et la terminale.
Les élèves interrogés par l’enquête indiquent majoritairement s’informer sur l’actualité en France (politique, économique, sociale…). Ainsi, dès la classe de 3e, plus d’un élève sur deux (54 %) déclare s’informer sur l’actualité. Au lycée, ce sont même 68 % des élèves de terminale qui s’y intéressent.
- La source d’information la plus souvent citée et la plus fiable selon les élèves est leur entourage, devant l’ensemble des médias : l’entourage apparait même comme la première source d’information en terminale (90 %, 83 % en 3e) parmi la liste de sources d’information proposées.
- Les réseaux sociaux occupent cependant place de choix dans l’accès à l’information des élèves (71 % en 3e, 84 % en terminale).
- Les journaux papier (31 % en 3e, 36 % en terminale) et la radio (50 % en 3e et 53 % en terminale) sont moins utilisés par les jeunes qui s’informent sur l’actualité.
- Comme pour la télévision, l’usage de ces médias ne progresse pas entre la 3e et la terminale, contrairement aux réseaux sociaux et aux journaux en ligne (43 % en 3e, 66 % en terminale).
- 51 % des élèves de 3e déclarent utiliser quatre médias ou plus, 68 % en terminale.
Un usage plus fréquent des supports numériques
De manière plus générale, lorsqu’il s’agit de s’informer au sujet de l’actualité nationale ou internationale au moins une fois par semaine, les élèves de 3e se tournent deux fois plus (30 %) vers un support numérique (réseaux sociaux, journaux en ligne, autres sites web) que vers un support papier (13 %).
En terminale, l’écart augmente et le numérique (46 %) est près de trois fois plus utilisé que le papier (17 %).
Une confiance qui subsiste dans les médias « traditionnels »
Si l’entourage est l’une des premières sources d’information pour les élèves, c’est également celle dans laquelle ils ont le plus confiance (82 % en collège, 77 % en lycée).
- Les médias « traditionnels » recueillent cependant une forte confiance auprès des élèves. Ceux-ci accordent leur confiance aux journaux papier (71 % en 3e et en terminale) et à la radio (69 % en 3e, 67 % en terminale), alors qu’il s’agit, paradoxalement, de médias qu’ils utilisent peu.
- À l’opposé, « les jeunes se tiennent très nettement à distance des « nouveaux médias » : seuls environ un quart d’entre eux font confiance aux réseaux sociaux (27 % en 3e, 24 % en terminale) et un tiers aux vidéos en ligne (36 % en 3e, 30 % en terminale). Pour autant, les élèves ont tendance à faire confiance aux journaux en ligne, particulièrement au lycée (51 % en 3e, 62 % en terminale) », ce qui suggère (selon les auteurs de la note d’analyse du CNESCO « qu’ils font une distinction entre les différentes sources numériques ».
Les élèves ont développé, observent les auteurs de la note d’analyse « un regard critique vis-à-vis des sources d’information. Ils sont peu nombreux à déclarer leur faire totalement confiance (à l’exception de l’entourage, 30 % en 3e). Quelle que soit la source d’information médiatique, moins d’un élève sur cinq déclare lui faire « tout à fait » confiance ».
Des différences sociales dans les usages et la confiance
Derrière ces résultats globaux, de nettes différences apparaissent selon les profils des élèves.
L’enquête met en évidence « le poids de l’origine sociale dans l’intérêt que portent les élèves à l’actualité, mais aussi dans les usages et dans la confiance accordée par les élèves aux différentes sources d’information.
Les disparités sociales sont fortes, tout d’abord, pour le rapport à l’actualité. En 3e, 67 % des élèves favorisés s’informent sur l’actualité, mais seulement 46 % des élèves défavorisés (soit 21 points d’écart). En terminale, cet écart se retrouve également (19 points, soit 78 % pour les élèves favorisés, 59 % pour les élèves défavorisés).
L’intérêt des parents pour l’actualité en France vient éclairer les disparités sociales et met en évidence le rôle du contexte familial. En effet, les élèves déclarant que leurs parents ne s’intéressent pas à l’actualité sont nettement moins nombreux à s’informer eux-mêmes, en 3e (26 % contre 61 % lorsque les parents s’y intéressent) comme en terminale (42 % contre 73 %).
Ces différences se retrouvent dans le choix des sources d’information que les élèves utilisent pour s’informer».
Ainsi, parmi celles et ceux qui s’informent sur l’actualité, les élèves favorisés écoutent plus souvent la radio et s’informent moins via les réseaux sociaux que leurs camarades d’origine défavorisée.
De plus, les élèves favorisés déclarent davantage avoir confiance dans les médias traditionnels (télévision, radio et journaux papier).
Au collège comme au lycée, les élèves défavorisés font plus confiance aux réseaux sociaux que les autres. « Le poids social qui pèse sur le rapport à l’actualité et aux médias se traduit dans le milieu scolaire. Ainsi, les élèves scolarisés dans les collèges classés en éducation prioritaire, établissements socialement plus défavorisés, se caractérisent par un plus faible intérêt pour l’actualité, une plus faible confiance dans les médias « traditionnels » (télévision, radio, journaux) et une plus forte confiance envers les nouvelles sources d’information (réseaux sociaux, vidéos en ligne, autres sites web) ».
Une éducation aux médias qui n’est pas généralisée
Afin d’évaluer l’action de l’école dans l’éducation aux médias, les élèves ont été interrogés sur le contenu des cours d’Education orale et civique (EMC), notamment l’éducation aux médias (en tant qu’objet d’étude) et l’éducation par les médias (en utilisant des supports d’information pour aborder un sujet).
Selon cette enquête, les médias restent peu abordés en EMC.
- « À peine plus de la moitié des élèves de 3e (52 %) déclarent que le sujet des médias a été évoqué en Education morale et civique (EMC) au cours de leurs années au collège (56 % des élèves de terminale concernant leurs années au lycée)».
- Au collège comme au lycée, « une grande majorité des élèves ont travaillé, durant l’année scolaire, à partir de documentaires ou d’émissions de télévision (65 % en 3e, 56 % en terminale), à partir de vidéos ou d’articles sur internet (54 % en 3e, 56 % en terminale) et, moins fréquemment, à partir d’articles de journaux (49 % en 3e, 38 % en terminale)».
Des écarts apparaissent, cependant, entre les différents types d’établissement.
- Les élèves scolarisés dans des collèges en éducation prioritaire ont tendance à moins souvent s’appuyer sur ce type de supports en cours d’EMC.
- Quand deux tiers des élèves scolarisés dans un collège hors éducation prioritaire (66 %) déclarent avoir travaillé à partir de documentaires ou d’émissions de télévision, ce n’est le cas que de 57 % des élèves en éducation prioritaire.
- Au lycée, il n’y a pas d’écarts statistiquement significatifs selon le type d’établissement hormis concernant le travail à partir d’internet (53 % en lycée professionnel contre 56 % dans les autres lycées)
Source : Éducation aux médias et à l’actualité : comment les élèves s’informent-ils ?
La note d’analyse de l’étude :