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Où vont les journalistes qui quittent la profession ?

Où vont les journalistes qui quittent la profession ?

Où vont les journalistes qui quittent la profession ?

Cela a commencé mi-septembre, sur Twitter, par des échanges de journalistes évoquant leur départ de la profession. D’où la proposition d’en parler sous forme d’entretiens – témoignages. Une simple invitation, relayée sur Facebook et LinkedIn, et cinquante « partants » qui racontent leur parcours, qui expliquent leurs motifs de reconversions, qui décrivent comment ils se sont engagés ou s’engagent sur une autre voie. La question qui apparaît en effet la plus brûlante est bien celle du « Où vont-ils ? ». Comprendre, la nature des réorientations, pourrait en effet être une clé de compréhension, du départ d’une profession, que tous disent avoir embrassée avec une très grande motivation. Nombreux sont ceux qui parlent de « passion ».

Cinquante entretiens, peuvent apparaître peu au regard du nombre de partants chaque année. Il n’est en effet pas question ici de prétendre produire des statistiques et aucun chiffre ne sera produit dans cette première analyse de l’enquête en question. Une cinquantaine d’entretiens est en revanche significative, dans une démarche d’analyse qualitative, dont l’ambition est d’identifier des tendances à l’œuvre.

Trois situations dominent en fait les reconversions de journalistes : D’abord un processus qui est encore en cours, et presque au même niveau l’enseignement et la communication.

Une reconversion en train de se faire

La reconversion de très nombreux journalistes qui ont répondu à cette enquête est un processus en cours, non stabilisé, en train de se faire. Il faut dire que nombreux sont ceux qui sont jeunes, voire très jeunes (moins de trente ans). Il faut noter aussi le rôle qu’a eu le confinement du printemps dernier. Celui-ci a privé certain de toute activité et donc de revenus, les obligeant à réagir. Pour d’autres ce temps d’arrêt a été un moment de réflexion, une opportunité de faire le point et décider que « cela suffit ! ».

La première manifestation de ce processus en cours prend la forme de la reprise d’études. Celle-ci recouvre des formes extrêmement différentes, du doctorat à un brevet professionnel de maraîchage, en passant par un Capes de philosophie ou une formation à la data. Pour quelques-uns, la réflexion est inaboutie, encore en suspens, pouvant déboucher comme pour plusieurs sur des bilans de compétences, voire des constructions de projet, avec l’APEC, par exemple.

Enseignement sous toutes ses formes

Parmi les journalistes qui ont abouti dans leur reconversion l’enseignement apparaît comme une option très largement privilégiée. Il n’est pas excessif de parler d’un enseignement sous des formes très étendues, puisque vont se retrouver plusieurs cas de professeurs des écoles, de professeurs documentalistes, d’enseignants du secondaire dans différentes matières (SES, littérature, histoire). L’enseignement supérieur est représenté par une forme assez particulière, celle de responsables pédagogiques en école de journalisme. Enfin en dehors, des filières et cursus traditionnels, quelques journalistes se consacrent à plein temps à l’éducation aux médias. Cela signifie aussi que d’anciens journalistes exercent aussi bien dans le primaire, le secondaire et le supérieur, dans le public, comme dans le privé, au sein du corps de l’Éducation Nationale, mais aussi des CDI dans le privé voire des CDD dans ce même privé.

La communication

L’option de la communication était attendue. Elle a longtemps fait figure un peu de stéréotype, lorsqu’il était question de reconversion de journalistes. Chacun a en tête les quelques figures de la profession, qui ont rejoint, à différentes époques, L’Elysée, Matignon ou encore tel ou tel cabinet ministériel. Et cela à toutes les époques. Dans cette enquête, cette voie privilégiée vers la communication politique se retrouve très peu et à un tout autre niveau, ce qui est logique, vu la diversité des emplois et spécialités occupés dans la profession. De fait les secteurs sont divers, des collectivités locales aux institutions culturelles et artistiques, en passant par la banque, l’automobile ou des agences généralistes. Les fonctions aussi varient sensiblement, puisqu’il peut s’agir aussi bien d’emplois de « rédacteur web », de « responsable éditorial », d’attachés de presse, mais aussi de directeur adjoint des relations presse d’un important organisme bancaire.

Professions périphériques

De nombreuses reconversions paraissent se disperser dans des emplois et des secteurs très variés. Il est, en même temps, possible de leur trouver une parenté, celle d’une proximité avec le journalisme, qu’il s’agisse des compétences requises au départ, voire de la spécialité ou de l’emploi occupé précédemment dans les rédactions. C’est ainsi que plusieurs journalistes ont fait le choix du marketing ou des études, d’autres de l’informatique, d’autres encore de la consultance et du coaching auprès de secteurs qui correspondaient à leur spécialisation journalistique (l’économie par exemple, voire les faits divers).

Activités artistiques

Un nombre plus restreint de journalistes s’est engagé dans des professions artistiques. Pour l’une, il s’agira de la musique, plus précisément, le jazz. Pour l’autre, la démarche est théâtrale, renouant avec une pratique itinérante de cet art. Pour une autre encore il est question de peinture. Faut-il inclure dans cette catégorie les écrivains de romans ? Force est de constater que celle-ci se retrouve à plusieurs reprises, pas forcément comme reconversion, mais à différents moments des parcours professionnels. Il suffit cependant d’observer chaque rentrée littéraire pour observer que les productions romanesques de journalistes (du biopic au polar), sont loin d’indiquer un projet de quitter la profession.

Il est encore quelques autres reconversions peu nombreuses, plus difficiles à situer, fruit de concours de circonstances ou de passions rentrées. Il est ici question d’agriculture (en fait ici le maraîchage) ou encore d’entrepreneuriat, voire de la boulangerie ou du sport. La diversité n’est d’ailleurs pas si grande à cet égard dans ce panel, au regard d’exemples cités par les interviewés concernant des reconversions de collègues et qui peuvent concerner de très nombreux métiers artisanaux, commerciaux ou artistiques.

Nombreux secteurs privilégiés

Au-delà des emplois, professions choisies pour se reconvertir il est intéressant d’observer les secteurs qui vont accueillir d’anciens journalistes. En premier lieu, figure logiquement l’enseignement qu’il s’agisse de l’Éducation nationale ou de l’enseignement privé, généraliste ou spécialisé, comme cela est apparu précédemment. Les institutions culturelles et artistiques figurent en bonne place. Il faut noter aussi les secteurs des collectivités locales et territoriales, de la banque, de l’informatique ou l’agriculture. Plus isolés, voire parfois étonnants, sont ceux du sport, des transports, de l’économie sociale et solidaire, de la boulangerie et même de la Police nationale.

Partir, définitivement ou pour revenir ?

Toutes les reconversions ne se font pas dans le même contexte. Certaines succèdent à des situations de très grande fragilité ou d’expérience humaines très douloureuses. D’autres relèvent plus de saisies d’opportunités. Les âges enfin, auxquelles elles interviennent sont très différents, moins de trente ans pour certains, la soixantaine arrivée, dans quelques cas. Trois grandes configurations se détachent : Pour les premiers le départ est un aller simple, une sorte de rupture définitive. Pour les seconds, tout est question de satisfaction ou non dans leur nouvel emploi et d’occasions qui pourraient se présenter à nouveau dans le journalisme. Un troisième groupe entend aujourd’hui garder un lien avec un certain exercice du journalisme, certes mineur, dans leur nouvelle activité, celui de la réalisation de piges, de temps à autre. Volonté de préserver une voie de retour ou manière de se ménager une transition douloureuse, mais sans retour possible ? L’évolution des médias, des manières de traiter l’information, de pratiquer le journalisme interviendra largement dans ces arbitrages.

 

Jean-Marie Charon, Adénora Pigeolat

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  • Bonjour j’aurais juste souhaité ajouter un commentaire à ce superbe travail. Quand vous dites : «  certains sont jeunes voire très jeunes », je pense que c’est à relativiser. Certes 30-35 ans, c’est jeune. Cependant, la société nous bombarde de gens qui réussissent leur carrière vers cet âge-là, il faut aussi compter que quand on est une femme., on est considérée comme vieille a 36 ans, pour tomber enceinte. Une pression supplémentaire pour réussi sa carrière vite, et une désillusion d’autant plus grande.

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